Prospection, inspections, négociations... Les journées des courtiers immobiliers se suivent et ne se ressemblent pas. Dans le cadre du projet «La Presse est à vous», nous avons passé une journée avec une courtière de l'agence Horizon Montréal, pour démystifier quelque peu ce métier malmené dans l'opinion publique en 2010.

«Une journée off? Jamais!»

Marie-Claude Palassio a tout plaqué le printemps dernier, à 33 ans, pour se consacrer à sa passion de longue date: l'immobilier. Elle a dit adieu à son poste de conseillère principale en ressources humaines chez CGI, à sa sécurité d'emploi... et surtout à ses week-ends de congé.

«C'est un choix que j'ai fait, souligne-t-elle. Je pourrais dire: aujourd'hui, je ne réponds pas au téléphone. Mais je ne le fais pas, je travaille tous les jours. Les journées commencent tôt et finissent tard.»

La courtière de l'agence Horizon Montréal ne regrette pas son changement de carrière pour autant. C'est «la meilleure décision» qu'elle n'ait jamais prise, affirme-t-elle. Pour démystifier quelque peu son métier -qui a eu bien mauvaise presse en 2010-, La Presse Affaires a passé une journée complète avec elle au début du mois.

9h Vieux-Montréal

La rencontre est fixée dans un restaurant branché du Vieux-Montréal. Pour Marie-Claude Palassio, la journée a commencé trois heures plus tôt, dans son bureau à domicile à Laval. Comme c'est souvent le cas en immobilier, le plan de match du jour a changé à la toute dernière minute.

La courtière devait visiter un appartement en copropriété dans le secteur du Marché Atwater avec des clients. Mais le condo, tout juste mis en vente, a trouvé preneur la veille. «Les propriétés avec une bonne superficie -plus de 1000 pieds carrés- offertes à bon prix s'envolent très vite.»

La matinée sera plutôt consacrée à l'inspection d'une maison de Notre-Dame-de-l'île Perrot, qui fait l'objet d'une offre d'achat d'un de ses clients. Nous montons dans sa petite Audi A3 noire pour le trajet d'une demi-heure vers l'ouest de l'île.

10h Du sous-sol au grenier

À notre arrivée, l'inspecteur en bâtiment est déjà sur place, tout comme la courtière représentant le vendeur. Le cottage de quatre chambres, affiché à 384 900$, est resté à peine quelques jours sur le système inter-agences (MLS) avant de faire l'objet de deux offres concurrentes.

Une fois l'inspection extérieure terminée, le petit groupe se déplace au sous-sol. L'inspecteur fait couler les robinets, remarque un coulis manquant derrière la toilette, examine en détails les appareils de chauffage.

Pendant ce temps, les deux courtières répondent à leurs courriels sur leurs téléphones intelligents. Et discutent de la vigueur remarquable du marché immobilier montréalais, qui prend de court bien des néophytes. «Les premiers acheteurs pensent souvent à tort que la propriété va se vendre 30 000$ en bas du prix demandé», observe Marie-Claude Palassio.

L'inspecteur monte à l'étage et découvre une surprise dans le grenier: des plumes et excréments de pigeon! En définitive, l'examen de 90 minutes ne révèle rien d'inquiétant.

12h Retour en ville

Marie-Claude Palassio remonte dans sa voiture allemande pour rentrer au centre-ville de Montréal. Elle salue sa collègue qui, elle, conduit une BMW décapotable. Important, le prestige de la bagnole pour un courtier? «Il y a tout un débat autour de ça. Je crois que ça n'a aucune importance.» La courtière possédait déjà son Audi avant de se lancer en immobilier.

Mme Palassio dit vouloir s'éloigner du «stéréotype» de l'agent classique. Elle ira même jusqu'à mettre de côté son sac à main Louis Vuitton en présence du photographe de La Presse. Le plus important, selon elle, est toutefois de ne pas correspondre au cliché du courtier toujours désorganisé et en retard, coincé dans un bouchon de circulation.

«Ce que je remarque, c'est que les agents performants sont à leur affaire, dit-elle. Ils te rappellent vite. Quand tu veux une visite, c'est rapide. Et ils demandent du feedback.»

D'après Mme Palassio, la qualité du service est plus importante que jamais alors qu'un nouveau modèle d'affaire «à bas prix» est appelé à voir le jour au Canada. Ce modèle, qui sera implanté à la suite de l'intervention du Bureau de la concurrence, permettra aux vendeurs de faire appel à un courtier seulement pour afficher leur maison sur MLS, et de s'occuper ensuite des autres aspects de la transaction comme les visites libres.

Le modèle light déplaît à la courtière fraîchement diplômée. «Je m'investis énormément pour mes clients, affirme-t-elle. Ce avec quoi tu te démarques, c'est le service. N'importe qui peut mettre un listing sur MLS; nous, on offre une valeur ajoutée. Si les gens veulent juste trois photos sur internet, il y a Lespacs à 18,95$.»

«En même temps, je comprends l'espèce de cynisme que les gens peuvent avoir à cause de toutes les histoires d'horreur qu'on entend sur de mauvais agents», nuance-t-elle

14h Demi sous-sol à 309 000$

Après une pause lunch entrecoupée de courriels, Marie-Claude Palassio rencontre un client -un retraité de Sherbrooke- intéressé à acheter un pied à terre dans le Ghetto McGill. Elle lui fait visiter un appartement vieillot de 900 pieds carrés en demi sous-sol, affiché à 309 000$.

Le client et sa femme posent plusieurs questions, notamment sur l'usage de la cour arrière. Mais en gros, ils semblent assez intéressés par la propriété. «C'est exactement là où je veux être, à deux coins de rue près», dit l'homme dans la soixantaine.

15h Paperasse et suivis

Direction Laval. Mme Palassio retourne à son bureau pour assurer des suivis auprès de ses clients -tous des acheteurs. Et faire de la prospection. «Il faut toujours être à la recherche de nouveaux clients. Toujours.»

Elle actualisera aussi son compte Twitter plusieurs fois pendant le reste de la journée, une vitrine privilégiée à l'heure des nouveaux médias. Sa présence sur le site de réseautage social (sous le pseudonyme @VotreCourtier) lui a permis de dénicher plusieurs nouveaux clients et de tisser de précieux contacts, assure-t-elle.

Une nouvelle ronde d'imprévus recommencera sans aucun doute le lendemain. Mais Marie-Claude Palassio ne s'en plaint pas. «Je fais ce que j'ai toujours voulu faire, ça correspond exactement à ce à quoi je m'attendais.»