Le gel de centaines de milliers de saisies immobilières aux Etats-Unis pourrait coûter très cher aux banques, mais il ne devrait pas menacer l'ensemble du système financier comme l'avait fait la faillite de Lehman Brothers fin 2008.

Trois des plus grands organismes de prêts hypothécaires, Ally Bank, JPMorgan Chase et Bank of America, ont annoncé ces dernières semaines le gel de leurs saisies en cours en raison d'«erreurs» de procédure: des documents signés sans vérification ou certifiés sans présence d'un notaire.

Dans une Amérique traumatisée par un chômage à près de 10% et des saisies immobilières record qui ont dépassé les 100 000 pour le seul mois de septembre, les associations de consommateurs ont été nombreuses à appeler à un moratoire généralisé.

En pleine campagne pour les élections de mi-mandat, la classe politique a embrayé. Mercredi, les autorités des 50 États ont joint leurs forces pour enquêter sur la question.

L'agence fédérale des fraudes, l'équipe interministérielle mise en place pour lutter contre la délinquance financière à la suite de la crise de 2008, examine elle aussi le problème.

Le président Barack Obama «souhaite s'assurer que ces organismes respectent leurs obligations», a indiqué vendredi un porte-parole de la Maison-Blanche, Bill Burton.

De nombreux avocats ont d'ores et déjà déposé des plaintes en nom collectif pour le compte de propriétaires immobiliers dont le logement pourrait avoir été saisi indûment.

Des nouvelles qui pesaient lourdement sur les valeurs bancaires. L'action de JPMorgan Chase chutait de 4,51% vers 20H00 GMT, Bank of America de 5,40%, Wells Fargo de 4,73% et Citi 2,59%.

«Il n'y a pas d'inquiétudes sur les résultats des banques, mais sur l'étendue des coûts qui seront nécessaires pour régler cette histoire» a commenté Art Hogan, analyste de Jefferies, qui rapporte que le marché évalue à «100 à 250 milliards de dollars le coût pour toutes les banques».

«C'est peut-être exagéré, mais cela s'ajoute à un environnement difficile pour les banques déjà confrontées à une réglementation et des exigences de capitaux renforcées», ajoute-t-il.

Richard Bove, analyste chez Rochdale Securities, évalue les pertes possibles du secteur à 81,9 milliards de dollars pour les banques.

La Sifma, association américaine de la finance, s'est alarmée d'un éventuel moratoire généralisé des saisies, qui serait selon elle «catastrophique».

L'autorité de régulation du marché du financement du logement a appelé à reprendre «sans délai» les saisies ne présentant pas de problèmes.

Le Washington Post citait jeudi un analyste de la maison de recherche Graham-Fisher, Josh Rosner, selon lequel un moratoire total «pourrait provoquer la même situation qu'en 2008», allusion à la faillite de la banque Lehman Brothers qui avait plongé le système financier dans la tourmente.

La plupart des analystes temporisaient.

«Le pire serait que de nombreuses erreurs de procédure soient découvertes, que les 50 États demandent un gel de toutes les saisies qui durerait pendant des mois avec des poursuites de plus en plus importantes», indique Erik Oja, analyste de l'agence de notation Standard and Poor's, qui a revu à la baisse sa recommandation pour Bank of America vendredi.

Il juge néanmoins le scénario du pire peu probable et que «l'affaire sera gérable», même si elle imposera aux banques des dépenses d'avocats et le paiement d'amendes, ainsi que des provisions pour défauts de prêts et des capitaux propres renforcés.

Elle juge que ces difficultés ne devraient pas s'étendre aux banques plus petites, «qui n'ont probablement pas été confrontées au problème des signatures automatiques» de dossiers.