Un duplex de la rue de Gaspé dont la valeur est passée de 188 000$ à 316 000$. Un condo de la rue Villeray qui a bondi de 145 000 à 260 000$. Le dernier rôle d'évaluation foncière de la Ville de Montréal a réservé des surprises salées à bien des propriétaires, qui craignent une hausse abrupte de leur impôt foncier. Devrait-on contester ou pas sa nouvelle évaluation municipale?

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Jean-François Bigras a eu tout un choc l'an dernier après le dépôt du nouveau rôle d'évaluation municipale de la Ville de Longueuil. Selon la nouvelle valeur accolée à son immeuble de 70 logements, son impôt foncier allait bondir d'un coup... de 12 000$!

L'investisseur et ex-président de la Corporation des propriétaires immobiliers s'est empressé de contester cette hausse, qu'il estime injustifiée. Et une semaine après le dépôt d'un nouveau rôle d'évaluation à Montréal, M. Bigras recommande la plus grande vigilance aux propriétaires de l'île.

Le nouveau rôle montréalais fait état d'une hausse moyenne de 23,5% de la valeur des propriétés depuis le dernier rôle de 2007. Cette augmentation se veut un reflet de leur valeur marchande au 1er juillet 2009, selon l'évaluation faite par les experts de la Ville de Montréal.

Or, il s'agit d'une évaluation de masse, faite dans différentes «unités de voisinage», et qui ne tient pas compte des particularités de chaque propriété. Une maison mal entretenue pourrait être surévaluée par rapport à la valeur moyenne de son quartier, tandis qu'un triplex hyper rénové pourrait être sous-évalué. Des erreurs pures et simples peuvent aussi se glisser.

Autant de raisons d'étudier sa nouvelle évaluation municipale avec la plus grande vigilance, dit Jean-François Bigras. «Mon conseil, c'est de vérifier si la valeur accolée à l'immeuble est réelle. S'il y a moyen de faire diminuer la valeur au rôle, il faut aller contester, il faut aller négocier avec les évaluateurs et, dans le pire des cas, aller demander une révision judiciaire pour faire valoir ses droits.»

Les impôts, nerf de la guerre

Le nouveau rôle d'évaluation servira à déterminer l'impôt foncier pour 2011, 2012 et 2013. Celui-ci ne grimpera pas d'un coup de 23,5%, puisque la Ville de Montréal devrait abaisser graduellement son taux d'imposition pour atténuer le choc. La municipalité fera connaître sa stratégie exacte en novembre, au dépôt de son budget.

Les propriétaires dont les maisons se sont appréciées beaucoup plus que la moyenne de 23,5% peuvent toutefois s'attendre à des hausses parfois assez salées.

Dans un tel contexte, il est impératif de s'assurer que la valeur accolée à sa propriété reflète le plus possible la réalité. Car une évaluation trop élevée - et l'avis d'impôt foncier qui vient avec - seront nuisibles au moment de la revente, estiment les experts.

«Selon moi, c'est le compte de taxes qui a le plus d'importance au moment de la revente, dit Claude Vezina, courtière chez Sutton à Outremont. Les acheteurs connaissent le marché, ils connaissent les comparables. Si le prix demandé est correct, les acheteurs vont favoriser un compte de taxes plus bas à une évaluation municipale plus élevée.»

La justesse de l'évaluation revêt une importance particulière dans les transactions d'immeubles à logements multiples, souligne l'investisseur Jean-François Bigras, qui donne aussi des cours en immobilier à l'UQAM.

«On observe une baisse de valeur systématique de l'immeuble avec l'augmentation des taxes, explique M. Bigras. Ma valeur de revente est calculée en fonction d'un revenu net: si mes dépenses d'exploitation - nommément mes taxes - augmentent, mon revenu net d'exploitation diminue.»

Les propriétaires qui jugent leur augmentation injustifiée peuvent présenter une demande de révision au plus tard le 30 avril prochain. Les frais administratifs pour contester varient entre 40$ et 1000$. Il est aussi recommandé de procéder à une évaluation agréée pour étayer sa demande, une histoire d'environ 350$.

Bref, on ne conteste pas sa nouvelle évaluation municipale à la légère, dit Bryan L'Archevêque, évaluateur agréé chez PCG et associés. «Il faut vraiment qu'il y ait iniquité, que de grosses erreurs aient été faites. C'est un droit que le citoyen a de contester cette valeur-là, mais il faut que ce soit assez substantiel pour au moins couvrir les honoraires.»

En 2007, 1,2% des dossiers d'impôt foncier ont été contestés au dernier rôle d'évaluation. Cela touche 5320 immeubles, sur le total de 435 000 que comptait alors la métropole.

La Ville enverra un nouvel avis d'évaluation foncière à tous les contribuables d'ici la fin octobre, mais il est déjà possible de consulter le nouveau rôle sur le web à l'adresse ville.montreal.qc.ca/evalweb. Les nouveaux avis d'impôt foncier seront pour leur part envoyés en janvier, une fois que le taux d'imposition aura été établi.