«Dévastation», «débandade», «plongeon»: les économistes n'ont pas manqué d'épithètes pour décrire la chute drastique de 27% des ventes de maisons le mois dernier aux États-Unis.

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Le nombre de transactions a glissé de 5,26 millions en juin à 3,83 millions en juillet en rythme annualisé, a révélé hier l'Association nationale des agents immobiliers (NAR). Il s'agit du pire recul en 15 ans, bien plus abrupt que ce à quoi s'attendaient les experts.

«Des ventes aussi faibles que celles de juillet seraient presque comiques si les conséquences n'étaient pas si graves, tant pour les propriétaires que pour l'ensemble de l'économie», a ironisé Eric Green, stratège américain de TD Valeurs mobilières.

Ces données désastreuses ont contribué au recul de la plupart des places boursières mondiales, inquiètes des répercussions sur la reprise économique vacillante. La Bourse de New York a baissé de 1,3% hier, celle de Toronto, de 1,4%, celle de Londres, de 1,5%, et celle de Paris de 1,75%.

Pourquoi une telle glissade des ventes, après des mois d'embellie? Le gouvernement fédéral a mis fin en juin à son programme de crédits d'impôt pour les nouveaux acheteurs, ce qui a fait dire aux analystes que les progrès récents du marché immobilier étaient en bonne partie artificiels.

La tendance des mois à venir est d'autant plus inquiétante qu'aucun facteur ne pointe vers une reprise de la revente. «Ni les indices de confiance, ni la situation de l'emploi, ni les informations sur la demande de crédit hypothécaire ne signalent une véritable amélioration durable et soutenue du marché de l'habitation», a indiqué Francis Généreux, économiste principal chez Desjardins, dans un rapport.

Le prix médian des maisons existantes - qui comptent pour environ 90% des transactions - s'est relevé de 0,7% en juillet, à 182 600$US. Cela se compare à un prix moyen de 31 200$US (330 351$CAN) pour le même mois au Canada.

Cette légère remontée risque de ne pas durer. La hausse du nombre de maisons invendues pourrait faire replonger les prix au cours des prochains mois aux États-Unis, avertissent les économistes. Selon les données publiées hier, il faudrait 12,5 mois pour que l'inventaire de juillet se résorbe, une forte hausse par rapport aux 8,9 mois que cela aurait pris de juin.

Or, ces statistiques déjà troublantes ne disent pas tout. Une partie des maisons saisies par les banques - les fameuses «foreclosures» qui font tant de ravages - n'y sont pas comptabilisées, a souligné dans un rapport Derek Holt, économiste à la Banque Scotia.

En incluant ces propriétés cachées «dans l'ombre», selon l'expression de M. Holt, l'inventaire de maisons invendues pourrait grimper à plus de 20 mois dans les années à venir. «Cela ne laisse présager aucune amélioration des prix et aucun effet d'enrichissement qui favoriserait la consommation», a-t-il prévenu.

Encore des saisies

Les saisies immobilières, justement, ne donnent aucun signe d'essoufflement aux États-Unis. Le nombre d'actions en saisie - qui incluent les avis de défaut de paiement, les enchères immobilières et les repossessions bancaires - a grimpé de 4% le mois dernier, selon la firme spécialisée RealtyTrac.

Seulement en juillet, 325 229 propriétés ont fait l'objet d'un tel avis à l'échelle du pays. Cela représente une maison américaine sur 397.

Plus de la moitié des saisies sont concentrées dans cinq États, soit la Californie, la Floride, l'Illinois, le Michigan et le Nevada. La quantité est telle que plusieurs agents se spécialisent désormais dans ce type de propriétés, comme Jaz Zydenbos, de Tropic Shores Realty dans le sud-ouest de la Floride.

Environ la moitié des résidences vendues par M. Zydenbos sont des reprises de finance. Leur prix moyen tourne autour de 118 000$US. «C'est environ le tiers du prix qu'on observait au sommet du marché en 2005», a-t-il indiqué à La Presse Affaires.

Les transactions à tout petit prix, soit 50 000$ ou 60 000$, sont fréquentes, a ajouté le courtier. À ce tarif, les acheteurs peuvent s'attendre à une maison de trois chambres à coucher, avec un garage simple et une dizaine de milliers de dollars de réparations à prévoir, a indiqué Jaz Zydenbos. «Malgré tout, cela demeure incroyablement abordable.»

Quelque 43% des propriétés vendues le mois dernier aux États-Unis se sont détaillées entre 100 000$ et 250 000$US, et 22% ont coûté moins de 100 000$US.

La construction de maisons neuves est par ailleurs presque arrêtée, ce qui continue à affecter l'industrie de la construction, déjà en grave difficulté.

EN CHIFFRES

-27%

Baisse du nombre de transactions en juillet

12,5 mois

Temps nécessaire pour vendre le stock de maisons à vendre, un record de tous les temps

182 600$ US

Prix médian aux États-Unis (+0,7% sur un an)

312 000$ US

Prix moyen au Canada (+1% sur un an)

3,83 millions

Maison vendues aux États-Unis