Périodiquement, La Presse Affaires fera la recension d'ouvrages économiques ou financiers marquants, susceptibles d'intéresser ses lecteurs. Nous poursuivons cette rubrique avec The Greatest Trade Ever, biographie de John A. Paulson écrite par Gregory Zuckerman.

Il y a quelques années, tout le monde parlait d'immobilier aux États-Unis. Des travailleurs aux revenus modestes achetaient des appartements qu'ils revendaient à profit. Des médecins cessaient leur pratique pour spéculer à temps plein. Tout le monde pouvait tenter sa chance. Le marché ne faisait que grimper.

Dans son bureau qui domine Central Park, John Paulson analysait les données sur l'immobilier, et il n'aimait pas ce qu'il voyait.

Paulson était un investisseur à la feuille de route plutôt ordinaire. Il misait sur les acquisitions d'entreprises et gérait un portefeuille de 2 milliards - des miettes selon les normes de la haute finance new-yorkaise.

Mais Paulson, diplômé de Harvard, rêvait depuis toujours de trouver un «gros coup» qui allait le propulser dans la stratosphère et faire connaître sa vraie valeur au reste du monde.

En 2005, un de ses assistants, Paolo Pellegrini, a fait une analyse des données du secteur immobilier dont les résultats étaient surprenants. La croissance était foudroyante, sans aucun lien avec la hausse des salaires ou l'immigration.

Paulson, 49 ans, était intrigué. Dans sa jeunesse, il avait envisagé d'investir dans l'immobilier, mais une analyse exhaustive lui avait montré que ce secteur grimpe traditionnellement de 1,4% annuellement, en plus de l'inflation. «Ça ne vaut pas la peine», avait-il conclu avant d'abandonner l'idée.

En 2005, par contre, tout le monde ne parlait que de l'immobilier. Paulson a décidé que le temps était venu de passer à l'attaque.

Il s'est mis à acheter des Crédit Default Swap (CDS), qui sont essentiellement une police d'assurance contre un produit financier. Paulson a contracté de l'assurance contre les plus grands vendeurs d'hypothèques aux États-Unis.

Si le marché tenait bon, Paulson perdait sa mise. S'il s'écroulait, son investissement lui serait rendu au centuple.

Pour réussir son coup, Paulson a travaillé main dans la main avec Goldman Sachs, une association qui soulève aujourd'hui des doutes. Des critiques affirment que Goldman et Paulson ont monté des produits financiers toxiques contre lesquels la firme de Paulson achetait des assurances.

À l'époque, par contre, Paulson était devenu la risée de Wall Street. Durant les années de croissance, personne ne croyait ses prédictions abracadabrantes.

«Ce type est complètement fou» avait lancé un courtier de Merrill Lynch à un collègue après un autre coup de téléphone de Paulson, qui achetait des CDS. «Il paie pour ça?»

Le marché immobilier américain, on le sait aujourd'hui, s'est écroulé comme un château de cartes en 2007. Et Paulson, qui a amassé des profits de près de 20 milliards de dollars durant la crise, est devenu une légende à Wall Street. En 2007, Paulson a personnellement reçu une rémunération de 4 milliards (donc plus de 10 millions par jour), le plus haut salaire jamais versé dans l'histoire des États-Unis.

Avec The Greatest Trade Ever, Gregory Zuckerman a écrit un livre-choc qui défie les conventions. Chroniqueur au Wall Street Journal, Zuckerman plonge dans l'histoire et en tire un portrait extrêmement complexe, notamment en décrivant les efforts d'autres investisseurs qui avaient la même vision que Paulson mais qui n'ont pas su en profiter.

Paulson a été perspicace. Et il a eu le dernier mot.

Son nouveau dada, ces jours-ci? Acheter de l'or, beaucoup d'or, pour le garder longtemps. L'histoire dira s'il aura eu raison deux fois.

The Greatest Trade Ever

Gregory Zuckerman, Broadway Publishing, 295 pages