Le village olympique devait permettre à la Ville de Vancouver de profiter un peu de la manne olympique, mais le projet pourrait lui coûter jusqu'à 300 millions de dollars. L'homme qui doit vendre les condos du village olympique est cependant optimiste: la catastrophe annoncée ne se produira pas.

Bob Rennie n'a aucune chance de médaille, mais personne n'a plus de pression que lui cette année dans la ville hôtesse des Jeux olympiques.

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Le flamboyant agent immobilier a comme mission de vendre les condos du village olympique afin d'éviter à la Ville de Vancouver un déficit olympique durant des décennies. «Comme le maire le dit lui-même, Bob Rennie doit vendre, vendre, vendre!» s'exclame le principal intéressé, qu'on surnomme le Condo King de Vancouver.

Occupés par les athlètes du monde entier durant les Jeux, les 737 condos du village olympique représentent un risque financier post-olympique pour la Ville de Vancouver. Le chroniqueur municipal du Vancouver Sun estime les pertes potentielles à de 100 à 300 millions de dollars. Rien à voir avec la facture de 1,1 milliard du Stade olympique de Montréal, mais la Ville de Vancouver prévoyait au départ engendrer des profits de 193 millions sur la vente des terrains du village olympique.

«À l'origine, c'était pourtant une bonne idée», dit l'économiste québécois Thomas Lemieux, professeur à l'Université de la Colombie-Britannique. Une bonne idée qui n'a pas survécu à la crise financière. Le prêteur Fortress Investment, firme d'investissement privé qui possède notamment Intrawest et ses stations de ski Tremblant et Whistler, devait allonger 700 millions, mais la firme new-yorkaise a cessé de payer après 350 millions. Le promoteur Millenium Development s'est alors retrouvé sans financement.

La Ville de Vancouver est venue à la rescousse en octroyant un prêt secret de 100 millions. L'existence du prêt a été révélée en pleine campagne électorale municipale, à l'automne 2008. Nouveau maire, même résultat: la Ville a dû se porter garante du projet de 1,1 milliard.

Une vente en deux temps

«La Ville, qui est maintenant propriétaire des appartements et des constructions, pourra les revendre plus tard et rentrera dans son investissement», explique Jacques Rogge, président du Comité international olympique.

Résumé ainsi, le plan est simple. Mais la vente du village olympique a été plus compliquée que prévu, même pour le Condo King de Vancouver.

Après avoir vendu 236 des condos les moins chers du projet - entre 400 000$ et 1,2 million l'unité -, Bob Rennie a enlevé ses pancartes du village il y a un an. Inquiets de la baisse du marché immobilier à Vancouver, le promoteur Millenium Development et la Ville de Vancouver ont préféré attendre une nouvelle hausse avant de vendre les 472 condos restants.

Pour l'instant, le marché immobilier, en hausse de 11,0% entre mai et novembre derniers selon la Banque Nationale, semble récompenser leur patience. «À cause de la récession et de la crise, plusieurs projets ont été annulés, dit Bob Rennie. Quand l'immobilier fonctionne très bien, on peut écouler tous les condos en sept mois. Dans un marché difficile, on peut le faire en deux ans. Présentement, le temps d'attente est de seulement quatre mois.»

Les Jeux olympiques de Bob Rennie recommencent le 8 mai, date où il mettra à nouveau en vente les 472 condos olympiques restants pour un prix variant entre 600 000$ et 10 millions l'unité.

S'il est à la hauteur de sa réputation de roi du condo, la catastrophe financière annoncée depuis un an pourrait être évitée. «La situation est moins inquiétante, dit Steeve Mongrain, professeur d'économie à l'Université Simon-Fraser. La Ville devrait perdre de l'argent, mais moins que prévu. Les condos relativement abordables vont trouver preneur, mais le marché des condos plus luxueux est plus imprévisible.»

Bob Rennie se donne deux ans pour vendre les derniers condos du village olympique, dont les premiers occupants s'installeront à la mi-juin. L'agent immobilier a intérêt à faire vite: entre-temps, les condos inoccupés coûteront environ 48 millions par année à la Ville de Vancouver en frais de financement, selon les calculs du Vancouver Sun.

«Les condos vont se vendre par eux-mêmes», assure la ministre des Jeux olympiques de la Colombie-Britannique, Mary McNeil. Paroles de politicienne? Au moins, la ministre McNeil peut se targuer de bien connaître le coin. «Je vis sur l'autre côté de la rivière du village olympique et la valeur de ma propriété a triplé en 13 ans...»