Une mise de fonds plus élevée pour les spéculateurs. Des critères resserrés pour l'accession à un prêt hypothécaire. Des règles de refinancement un peu plus sévères. Ottawa a annoncé hier trois nouvelles mesures en vue d'éviter une surchauffe du marché immobilier canadien. Plusieurs ont poussé un soupir de soulagement.

Le ministre des Finances Jim Flaherty a décidé d'administrer un vaccin préventif au secteur immobilier, en pleine croissance au pays, avant qu'il ne soit frappé par une bulle spéculative qui pourrait nuire à la reprise économique.

M. Flaherty a annoncé hier un resserrement des règles d'emprunt qui rendront plus difficile l'obtention d'un prêt hypothécaire garanti par la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL).

Trois nouvelles mesures seront imposées à partir du 19 avril.

Ainsi, les demandeurs d'hypothèques devront s'astreindre à des conditions d'une hypothèque à taux fixe de cinq ans même s'ils font la demande pour une hypothèque à taux variable ou à un taux plus bas.

Les propriétaires qui souhaitent réhypothéquer leur maison auront le droit de le faire jusqu'à concurrence de 90% de sa valeur au lieu de 95% comme c'est le cas maintenant.

Enfin, les acheteurs d'une maison qui ne sera pas leur résidence principale devront puiser davantage dans leurs économies afin de faire une mise de fonds d'au moins 20% du prix d'achat pour que leur hypothèque soit garantie par la SCHL. La mise de fonds actuelle passe donc de 5% à 20% pour les investisseurs qui achètent des habitations à des fins spéculatives.

En conférence de presse hier matin à Ottawa, avant l'ouverture des marchés financiers, le ministre Flaherty a soutenu qu'il n'existe toujours pas au pays une bulle immobilière, malgré le débat qui fait rage à ce sujet depuis quelques semaines.

Toutefois, il a affirmé que le train de mesures annoncées se veut un traitement préventif alors que les faibles taux d'intérêt actuels, qui ont permis à plusieurs d'acheter leur première maison malgré une hausse des prix, pourraient augmenter à partir de la deuxième moitié de 2010. La majorité des économistes s'attendent à ce que la Banque du Canada hausse en juillet son taux directeur - présentement à un creux historique de 0,25%.

«Notre marché du logement a été une source de vigueur économique pour le pays. (...) Nous allons continuer de surveiller de près l'évolution de la situation. Rien n'indique clairement l'imminence d'une bulle immobilière. Mais nous adoptons des mesures prudentes et proactives afin de la prévenir», a dit le ministre.

M. Flaherty a soutenu que l'une des principales leçons à retenir de la crise immobilière aux États-Unis est qu'il est possible de la prévenir si l'on adopte des mesures précises dans un délai raisonnable.

Le grand argentier du pays, qui déposera son prochain budget à la Chambre des communes le 4 mars, a affirmé qu'Ottawa ne veut pas, par ce train de mesures, dissuader les Canadiens d'acheter une nouvelle maison. Le gouvernement veut plutôt éviter que des spéculateurs tentent de profiter indûment de la vigueur du marché immobilier en faisant l'achat d'habitations pour faire grimper les prix. Ces nouvelles règles permettront de stabiliser le marché immobilier, selon lui.

«Nous voulons décourager certains d'utiliser leur maison comme si c'était un guichet automatique et éviter que d'autres achètent trois ou quatre condominiums pour faire de la spéculation. Ce ne sont pas des situations qui permettent d'avoir un marché de l'habitation abordable pour les Canadiens», a dit le ministre.

M. Flaherty a dit ne pas sentir le besoin pour le moment d'augmenter la mise de fonds initiale pour tous les acheteurs à 10% par exemple. Mais s'il juge que d'autres mesures préventives sont requises, il n'hésitera pas à les adopter.

Réactions

Certaines institutions financières ont dit hier appuyer les réformes du ministre, bien qu'elles estiment que le marché immobilier n'est pas frappé par une bulle spéculative.

«Bien que nous ne pensions pas qu'il y ait une bulle immobilière au Canada, nous soutenons entièrement les mesures prises par le ministre. Compte tenu des perspectives de hausses des taux d'intérêt et de la hausse récente des prix des maisons dans certains marchés du Canada, les mesures annoncées aujourd'hui sont prudentes», a affirmé Frank Techar, président et chef de la direction, Services bancaires Particuliers et entreprises, BMO Banque de Montréal.

Dans un communiqué de presse, l'Association canadienne des conseillers hypothécaires accrédités a indiqué qu'elle approuve les nouvelles règles, qu'elle qualifie de «mesures préventives contre d'éventuels risques».

Dans un rapport rendu public la semaine dernière, l'Association canadienne de l'immeuble a dit s'attendre à ce que les ventes résidentielles atteignent un nouveau sommet annuel en 2010, effaçant le précédent record établi en 2007, avant la crise financière. Selon l'association, le nombre de transactions atteindra 527 300 au pays cette année, soit une hausse de 13,3% comparativement à 2009. Encore une fois, les bas taux d'intérêt feront augmenter les demandes de logements au cours du premier semestre de l'année.

Les nouvelles règles du jeu

> La somme maximale pour un refinancement hypothécaire passe de 95 à 90% de la valeur de la maison.

> Une mise de fonds minimale de 20% est exigée pour les propriétés acquises à des fins spéculatives.

> Tout acheteur doit remplir les critères d'obtention d'un prêt hypothécaire de 5 ans à taux fixe, même s'il opte en réalité pour une échéance plus courte.