La rareté et la cherté des habitations sur le marché de la revente raniment depuis quelques mois déjà la construction d'habitations.

Janvier n'a pas fait exception tant à l'échelle du pays, du Québec que de sa région métropolitaine.

Les chiffres publiés hier par la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) font état de la coulée de fondations pour 10952 logements, le mois dernier d'un océan à l'autre. Un an plus tôt, au plus fort de la récession et d'une météo peu clémente, le parc de logements s'agrandissait de 8096 unités seulement.

Sur une base annualisée et désaisonnalisée qui sert de mesure de référence pour prendre le rythme de l'industrie, le marché de la maison neuve carburait au rythme 186 300 nouveaux logements le mois dernier, contre une cadence de 176 100 en décembre. Pour l'ensemble de 2009, le nombre réel de mises en chantier a été limité à 149 081 unités, contre plus de 200 000 pendant plusieurs années d'affilée avant la récession.

Tant les segments de la maison individuelle que des logements multiples ont connu un regain d'activité à l'échelle du pays.

Au Québec, l'industrie fonctionnait au rythme annuel de 55 400 unités le mois dernier, la cadence la plus rapide en 23 mois. «Les mises en chantier pourraient même atteindre 48 000 unités cette année puisque le marché des appartements locatifs et celui de la revente sont actuellement en situation de pénurie», fait remarquer Hélène Bégin, économiste principale chez Desjardins. En pareil cas, il s'agirait d'une augmentation des mises en chantier de 10% qui reflétera en partie une demande refoulée par la récession.

Selon les prévisions de l'Institut de la statistique du Québec, le nombre de nouveaux ménages devrait excéder les 45 000 cette année.

Dans le Grand Montréal, le nombre de nouvelles unités excédait de 55% celles de janvier 2009.

La répartition des chantiers était par contre très disparate. Dans l'île, l'augmentation de 39% était attribuable à un bond dans le segment de la copropriété, tandis que le logement locatif se repliait. Laval a enregistré un repli de 89% attribuable à l'effondrement du logement locatif. L'an dernier, de nouveaux chantiers de résidences pour personnes âgées avaient gonflé les chiffres.

C'est précisément ce qui vient d'arriver dans la couronne sud, où des complexes pour personnes âgées et des domaines de copropriété ont été lancés.

D'un océan à l'autre, le rythme d'activité en janvier dépassait déjà de 50% le creux cyclique survenu en avril. «Ce cycle-ci de l'industrie de l'habitation est une copie carbone de celui du début des années 90», fait observer Pascal Gauthier, économiste chez Groupe financier Banque TD.

Après une forte chute, suivie d'une reprise robuste, les nouvelles mises en chantier s'étaient stabilisées environ un an après leur creux.

Des indices montrent qu'un ralentissement est peut-être prochain, croit d'ailleurs Marco Lettieri. Les taux d'intérêt hypothécaires qui ne pourront aller qu'en augmentant, et la taxe de vente harmonisée, qui entrera en vigueur en Ontario et en Colombie-Britannique, incitent plusieurs ménages à devancer leurs achats. Mais peut-être par-dessus tout, «décembre a été le premier mois depuis mars 2009 où les permis de construire de maisons individuelles ont baissé de 0,7% en volume».

Le nombre de permis est passé de 8972 à 8915, selon les données de Statistique Canada. Les permis de bâtir devancent la coulée de fondations en général de deux à trois mois. Le mois dernier, la SCHL a recensé 4723 nouveaux logements individuels.

Si les mises en chantier de maisons individuelles devaient ralentir, celles de logements multiples ont semble-t-il quelques mois de progression en vue. Le nombre de permis de bâtir était en hausse de 17% en décembre, et il était plus élevé que les permis de logements individuels.

Cela dit, l'accélération du nombre des mises en chantier paraît garante d'une contribution positive de la construction à la croissance au premier trimestre.

Elle est aussi susceptible d'attiédir la surchauffe apparente sur le marché de la revente qui en inquiète plus d'un, mais pas le ministre des Finances Jim Flaherty. Il a indiqué le week-end dernier qu'Ottawa n'a pas l'intention de modifier les conditions pour que la SCHL garantisse un prêt hypothécaire. Les économistes des grandes banques l'avaient prié de resserrer les critères en exigeant une mise de fonds initiale de 10% (au lieu de 5%) et en limitant l'échéance d'un prêt à 30 ans (au lieu de 35).