Un gros coup de frein se confirme dans la construction résidentielle au Canada et au Québec.

Les mises en chantier rechutent fortement ce printemps par rapport aux années précédentes, montrent les dernières données de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL).

Mais ces années précédentes furent aussi celles de niveaux d'activités records, tempèrent des économistes et des représentants de l'industrie de la construction.

Par conséquent, le ressac observé des mises en chantier résidentielles, même d'environ 20% en nombre d'unités, ne serait pas encore du niveau de «crise» subie dans certains autres secteurs de l'économie.

«On s'attendait à une baisse d'au moins 15% des mises en chantier cette année, après de très bonnes années. La plupart des entrepreneurs ont ajusté leur niveau d'activité afin d'éviter des surplus de stocks de maisons et de condos neufs», a dit hier Bruno Nantel, directeur à l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (APCHQ).

Constat semblable de la part de Marc Pinsonneault, économiste principal en immobilier à la Banque Nationale. «La construction résidentielle au Québec subit une correction un peu normale après des années records. Par ailleurs, l'offre de l'industrie s'est ajustée plutôt bien à la baisse de la demande», note-t-il.

«Jusqu'à maintenant, les constructeurs ont évité de se retrouver avec des surplus de stocks qui nuiraient aux valeurs dans l'immobilier résidentiel, comme on le voit aux États-Unis.»

Cela dit, est-ce que la baisse des mises en chantier risque de s'accentuer? Ou au contraire, le pire est-il passé, comme le suggèrent des statistiques publiées hier par la SCHL?

Ainsi, le taux annualisé de mises en chantier résidentielles dans les principales localités (10 000 résidants et ") au Canada a rebondi de 11% en mai par rapport au mois précédent.

Autrement dit, la construction résidentielle au Canada en mai avait accéléré au rythme de 128 400 logements en 12 mois, alors qu'elle cotait à 117 600 logements le mois précédent.

Au Québec, toutefois, ce regain de vigueur de la construction résidentielle en mai serait moins prononcé, de l'ordre de 3% seulement.

Selon la SCHL, ce gain correspond à 34 200 logements construits en 12 mois dans les principales localités au Québec, comparativement à 33 100 anticipés le mois précédent.

Mais avec l'économie en récession, ces attentes se confirmeront-elles?

«Ces chiffres reflètent une tendance immédiate du marché, en excluant les facteurs saisonniers comme la relance de la construction au printemps. Toutefois, d'autres facteurs économiques ou financiers pourraient les influencer beaucoup au cours des prochains mois», admet Kevin Hughes, économiste principal de la SCHL pour le marché québécois.

Au Mouvement Desjardins, l'économiste Benoît Durocher estime très «temporaire» le léger regain de la construction résidentielle en mai, tel que mesuré par la SCHL.

«Je ne suis pas convaincu que le pire est passé, surtout avec ce qui se dégrade ailleurs dans l'économie, comme le taux de chômage», a indiqué M. Durocher.

«Malgré le léger rebond observé en mai par la SCHL, la tendance demeure à la baisse des mises en chantier résidentielles au cours des prochains mois.»

Jusqu'à quel niveau? Peut-être aussi bas que 110 000 logements sur une base annualisée pour l'ensemble du Canada, appréhende l'économiste de Desjardins.

S'il s'avère, un nombre aussi faible signifierait le pire marché de construction résidentielle au Canada et au Québec depuis la crise immobilière du milieu des années 1990.

Observation semblable du côté de la Banque Toronto-Dominion, qui est très impliquée dans le marché hypothécaire de l'Ontario, le plus gros an Canada.

Selon l'économiste Millan Mulraine, «en dépit du léger regain observé en mai par la SCHL, la construction résidentielle au Canada demeure atrophiée de 42% par rapport à l'an dernier, à pareille date. Elle est aussi en recul majeur de 53% par rapport au sommet atteint en septembre 2007».

À la Banque Nationale, l'économiste Marc Pinsonneault est moins pessimiste. «Je m'attends à une année de construction résidentielle encore dans la bonne moyenne, malgré l'ampleur de la baisse après des années records.»

Au Québec seulement, ça signifierait environ 40 000 mises en chantier comparativement à 47 900 l'an dernier, toutes localités incluses, urbaines et rurales.

«Autour de 40 000 unités, ça serait encore mieux que le creux de 27 800 unités atteint en 2001», a relaté M. Pinsonneault.

Quant à l'impact du recul des mises en chantier résidentielles sur la main-d'oeuvre en construction? Encore très minimal, selon Benoît Nantel, de l'APCHQ, parce que les travailleurs de la construction sont «très mobiles» d'un type de chantier à un autre.

«Le nombre d'heures travaillées en construction n'a pas encore vraiment diminué au Québec. S'il y a moins de travailleurs dans le résidentiel, ils sont plus nombreux du côté des chantiers institutionnels et d'infrastructures. La rénovation résidentielle se porte bien, aussi.»

 

CULBUTE DE LA CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE

Québec (localités de 10 000 résidants et "), mises en chantier résidentielles totales de janvier à mai inclusivement.

2009 - 12631

2008 - 16716

2007 - 15464

2006 - 15529

Source: SCHL