La Banque centrale européenne (BCE) s'apprête à abaisser son principal taux directeur au niveau inédit de 1,50% dans l'espoir d'atténuer une récession qui se propage rapidement en zone euro.

Economistes et marchés tablent sur une réduction d'un demi-point du taux, qui atteindrait ainsi son plus bas niveau depuis la création de la zone euro il y a dix ans.«Vous savez que nous ne nous engageons à rien par avance, mais généralement, nous ne prenons pas le marché par surprise», a dit récemment l'Espagnol Miguel Angel Ordoñez, un responsable membre du conseil des gouverneurs de la BCE.

Mais hélas, cette petite phrase semble aussi exclure un geste plus prononcé, regrette Jennifer McKeown de Capital Economics. «La profonde récession en zone euro exige des actions courageuses», argumente l'économiste pour qui la BCE n'aura pas d'autres choix que de ramener dans les mois qui viennent son principal taux à un niveau proche de zéro comme l'ont fait les Etats-Unis et le Japon. La Grande-Bretagne suit aussi cette voie.

Entre octobre et janvier, l'institution européenne a diminué son taux de 4,25% à 2%.

Chaque jour apporte son lot de mauvaises nouvelles chez les seize de l'euro. L'activité industrielle s'effondre face au ralentissement de la demande mondiale, le chômage est revenu en janvier avec 8,2% à son plus haut niveau depuis septembre 2006, et les baromètres de confiance des entrepreneurs ou particuliers continuent de chuter. Après une baisse historique de 1,5% du Produit intérieur brut au quatrième trimestre par rapport au troisième, les experts craignent un premier trimestre tout aussi exécrable.

L'inflation est un problème du passé, alors que la zone euro vit une période de désinflation alimentée à la fois par la crise économique et la glissade ces derniers mois des prix des matières premières.

Avec 1,1% en janvier, elle est largement en-dessous de l'objectif à moyen terme de l'institution, à savoir un taux inférieur mais proche de 2%. Parallèlement, les crédits se font rares, comme le montrent les dernières données publiées par la BCE.

«Compte tenu de l'état de l'économie et de la baisse de l'inflation, de nouvelles mesures de détente de la politique monétaire s'imposent», résume Clemente De Lucia, économiste chez BNP Paribas.

Après avoir catégoriquement rejeté l'idée d'abaisser le principal taux jusqu'à zéro, Jean-Claude Trichet a amorcé un virage début février en disant que cette option n'était pas envisagée «pour le moment».

Le conseil semble très divisé à ce sujet. L'influent Allemand Axel Weber a fait savoir que le plancher pour lui était de 1%. Mais son homologue Chypriote Athanasios Ophinades, très respecté, défend des actions plus radicales face à la gravité de la crise.

Le Français va sans doute rester évasif sur les projets de la BCE dans les mois à venir, lors de la conférence de presse prévue à l'issue de la réunion du conseil des gouverneurs.

«La BCE va sans doute laisser la porte ouverte à de nouvelles baisses de taux, mais sans donner d'indication sur l'échéance ou l'ampleur», estime Michael Schubert, économiste à la BCE.

M. Trichet pourrait donner quelques détails sur la nature des actions «non traditionnelles» que la BCE est prête à employer pour lutter contre la crise, comme un recours à une augmentation forcée de la masse monétaire (quantitative easing), expérimentée actuellement aux Etats-Unis.