En observant la frénésie immobilière qui agitait son pays, Miguel Marina s'est dit, comme nombre de ses compatriotes, que le moment était venu d'acheter un appartement. Et d'empocher les gains découlant de la flambée des prix, apparemment sans fin.

L'Espagnol de 33 ans, qui habitait toujours chez ses parents, était loin de se douter que l'initiative le propulserait à l'avant-scène médiatique comme l'une des victimes de la crise. Et le laisserait vidé trois ans plus tard, financièrement et moralement.

 

«J'en veux à l'Espagne d'en être arrivé là», confie en entrevue à La Presse cet agent immobilier de profession, qui s'emporte en parlant de sa mésaventure, révélatrice de la légèreté avec laquelle les banques espagnoles prêtaient de l'argent au plus fort de la bulle immobilière.

Fort d'un prêt de 300 000$, M. Marina s'est porté acquéreur en 2005 d'un appartement de 60m2 en périphérie de Madrid.

Le fier propriétaire, qui gagnait alors 1500$ par mois, pensait pouvoir couvrir facilement les paiements mensuels d'environ 1100$ en louant l'appartement près de 1300$.

Dégringolade

Les choses ont cependant mal tourné. Le taux variable sur ses emprunts a fait bondir sa note mensuelle de près de 300$. Et il s'est retrouvé pris à la gorge lorsque des locataires ont quitté le logement sans payer plusieurs mois de loyer.

«Ils sont même partis avec les lits et les luminaires. Je n'avais pas d'argent pour les remplacer», souligne le jeune homme, qui a vu ses difficultés amplifiées par la perte de son emploi.

Sans ressources, il a songé un instant à vendre l'appartement jusqu'à ce que, stupéfait, il se voie offrir 75 000$ de moins que ce qu'il avait payé.

Plutôt que d'essuyer une telle perte, il a décidé de faire tirer son appartement dans une loterie improvisée.

«L'idée était géniale puisque tout le monde était gagnant. Je pouvais récupérer la somme investie. Et les participants, en payant un billet de 5, pouvaient gagner un appartement», résume-t-il.

L'initiative a rapidement attiré l'attention des médias locaux, qui lui ont donné un large écho. En quelques jours, M. Marina a écoulé plus de 10 000 billets par le site internet ouvert à cette fin. Il pensait être en bonne voie de récupérer son investissement... Jusqu'à ce que la banque, après discussion avec les autorités locales, l'avise que son initiative était illégale et le force à rembourser tout le monde.

Arnaqueur potentiel

De héros novateur et créatif, il est devenu un «arnaqueur» potentiel. Avec le damné appartement toujours sur les bras et une perte sur papier de 150 000$ puisque sa valeur a continué de chuter.

Toujours sans le sou, il refuse depuis février dernier de payer les versements hypothécaires. «J'attends que la banque le saisisse. Je veux en être débarrassé», souligne M. Marina.

Par dépit, le coloré Espagnol a lancé il y a quelques mois un nouveau site qui se veut une forme d'exutoire pour sa frustration. Il promet de se faire tatouer sur le derrière le drapeau du pays d'où proviendront les dons les plus importants pour le renflouer.

«Je vends mon cul pour sauver mon cul», résume sans sourciller M. Marina, qui a recueilli à ce jour quelques centaines d'euros par son nouveau stratagème. Rien qui puisse lui faire oublier son cauchemar.