La firme de génie-conseil WSP a dévoilé, la semaine dernière, sa nouvelle planification stratégique globale pour les trois prochaines années, un exercice qui réaffirme encore une fois la forte volonté de croissance du groupe qui a entrepris depuis 2010 une importante expansion internationale.

WSP est présente dans 41 pays et compte 48 000 professionnels. Son chiffre d’affaires est de 6 milliards de dollars. Son PDG, Alexandre L’Heureux, en poste depuis mars 2016, prévoit qu’au terme des trois prochaines années, les effectifs vont connaître une hausse de 35 % pour atteindre les 65 000 employés.

Le chiffre d’affaires du groupe va atteindre entre 8 et 9 milliards, et le bénéfice d’exploitation sera 50 % plus élevé qu’aujourd’hui. Mais, surtout, WSP va poursuivre sa transformation en développant davantage de nouveaux services stratégiques pour ses clients, nous explique Alexandre L’Heureux.

Votre nouvelle planification stratégique pose des cibles financières et opérationnelles ambitieuses, mais très précises. Vous insistez aussi beaucoup sur les transformations qui vont toucher le cœur même de vos activités. Qu’en est-il exactement ?

Oui, nos revenus, nos bénéfices et nos effectifs vont augmenter aussi, mais on va aussi poursuivre la transformation de WSP. On veut diversifier l’entreprise. On est déjà un acteur stratégique pour nos clients, mais on veut le devenir davantage dans toutes les phases du développement humain.

On est une firme de génie, mais on élargit nos horizons pour tenir compte des changements de société. On veut être notamment plus présent dans les questions environnementales et d’acceptabilité sociale, dans la gestion de projets en étant responsable des aspects financiers, technologiques ou logistiques.

On embauche de plus en plus de spécialistes, tels que des météorologues, des comptables, des docteurs en physique nucléaire, en sciences de la terre. On veut faire exploser la diversité de nos compétences pour répondre aux besoins qui changent.

L’urbanisation, la démographie, les milléniaux. On vit l’époque des mégacités. Dans les 35 prochaines années, il va se construite chaque année une ville de la taille de Pékin. C’est énorme.

D’ici 30 ans, la température à Londres va être de 5 à 6 degrés supérieure à aujourd’hui. Il va falloir refaire les bâtiments, redéfinir la mobilité, la gestion de l’eau, de l’environnement, de l’énergie.

On est des spécialistes des grands projets urbains et on veut devenir un acteur mondial dans ce domaine.

Depuis vos grosses acquisitions en Europe et aux États-Unis, vos champs d’expertise ont beaucoup évolué alors que vos activités dans le domaine du transport et des infrastructures ont pris de l’importance. Comment sont maintenant segmentées vos activités ?

En 2012, lorsqu’on a fait l’acquisition de WSP en Angleterre, on a doublé de taille en passant de 4500 à 9000 employés. Avec l’acquisition de Parsons Brinckerhoff (PB), en 2014, aux États-Unis, on est passé de 15 000 à 30 000 employés.

Avant notre expansion internationale, on était principalement dans le bâtiment. Aujourd’hui, ce secteur représente 28 % de nos revenus. On participe présentement à la construction de 15 des 20 plus hauts gratte-ciel dans le monde. On est très actif dans la science du bâtiment : la structure, la mécanique électrique, l’acoustique, la sécurité, la certification LEED…

Le transport et les infrastructures représentent 50 % de nos activités. On est dans les gros projets, comme l’échangeur Turcot à Montréal. L’environnement et l’acceptabilité sociale comptent pour 12 %, et les ressources et l’industriel représentent 10 % de nos revenus. On est très actif au Canada et en Australie dans le domaine des ressources.

Pour atteindre vos objectifs financiers, vous ne pouvez pas compter sur la seule croissance organique. Allez-vous devoir poursuivre vos acquisitions ?

Oui, c’est escompté dans notre planification. De 2015 à 2018, on a réalisé 29 acquisitions et on a ajouté 16 000 personnes à nos effectifs.

Depuis qu’on est devenu public en 2006, on en a fait plus de 120. Notre force, c’est l’intégration.

En 2017, on a réalisé l’acquisition de la firme Opus, en Nouvelle-Zélande. On est arrivé le vendredi soir et on a avisé le PDG qu’on allait acheter l’entreprise et qu’il fallait que ce soit réglé dimanche soir pour être annoncé le lendemain.

On avait préalablement conclu une entente avec un fonds souverain de Malaisie qui contrôlait 60 % des actions. L’OPA s’est réglée en un week-end, et on a acheté la plus grosse firme d’ingénieurs de Nouvelle-Zélande.

On vient de compléter l’acquisition du Groupe Berger aux États-Unis, qui appartenait à un fonds d’investissement. On a rajouté 5000 professionnels à nos effectifs et on a acquis une expertise dans le gouvernement fédéral américain, notamment dans le département de la Défense.

Depuis votre décision en 2010 de vous lancer dans l’expansion internationale, vous avez pu compter sur l’appui de la Caisse de dépôt et d’Investissement PSP (les régimes de pension du gouvernement fédéral). Est-ce que ces partenaires vous suivent toujours ?

Absolument. En 2010, on leur a présenté notre plan, qu’ils ont fait valider par Bain Capital. La Caisse et PSP ont investi chacun 75 millions pour prendre une participation dans WSP (Genivar à l’époque). Depuis, ils ont toujours participé à nos acquisitions et ils ont augmenté leur participation respective dans notre capital à 20 %.

Ce sont des partenaires exemplaires et solides qui cumulent des actifs de 600 milliards. Il faut dire toutefois que ces deux institutions cumulent un rendement annuel de 25 % depuis qu’ils ont investi dans WSP…

Et c’est certain que si une acquisition transformationnelle se présente comme WSP ou PB à l’époque, ils vont participer. Notre planification stratégique ne tient pas compte d’une telle éventualité.

On a des entreprises dans notre ligne de mire, on a la capacité financière, les outils opérationnels et la volonté de réaliser une grosse transaction, mais il faut que l’occasion se présente.

La question que l’on ne peut éviter. Si jamais SNC-Lavalin devait être forcée d’être vendue, en totalité ou en partie, est-ce que vous seriez sur les rangs pour faire une proposition ?

Écoutez, SNC-Lavalin n’en est pas là, et ce ne serait pas une bonne nouvelle pour le Québec si cela devait arriver. C’est une grande entreprise, un siège social important, et on ne leur souhaite pas de malheur.

Cela dit, nos activités ne concordent pas. SNC-Lavalin est très active dans la construction, et c’est un secteur qui ne nous intéresse pas du tout. Nous, on est des professionnels du génie et on s’en tient à ça.

SNC-Lavalin est aussi très impliquée dans le secteur pétrole et gaz, où on est totalement absent. C’est un secteur qui ne nous intéresse absolument pas. On réalise 90 % de nos contrats dans des pays qui sont membres de l’OCDE, c’est là qu’on veut développer nos affaires.

Mais outre les problèmes récents que SNC a rencontrés au Moyen-Orient, ce n’est pas normal que l’entreprise soit encore pénalisée au Canada par le comportement de certains individus à l’époque. Dans les autres pays où on fait affaire, ça ferait longtemps que ce dossier aurait été réglé. Ici, on revient constamment sur ce sujet. Réglons-le une fois pour toutes.