Photo OLIVIER PONTBRIAND-LA PRESSE, La Presse

Le Fonds de solidarité a pleinement profité de la forte exposition aux actifs québécois de son portefeuille de placements, et plus particulièrement de ses participations privées, moins soumises aux turbulences du marché, nous explique Gaétan Morin, PDG de l’institution de capital de risque.

Le Fonds de solidarité FTQ a dégagé un rendement de 2,2 % pour le premier semestre de l’exercice 2018-2019, terminé le 30 novembre dernier. Sur un horizon de 12 mois, le Fonds cumule une plus-value de 5,8 %.

Le Fonds de solidarité a pleinement profité de la forte exposition aux actifs québécois de son portefeuille de placements, et plus particulièrement de ses participations privées, moins soumises aux turbulences du marché, nous explique Gaétan Morin, PDG de l’institution de capital de risque.

Bien que vos résultats ne tiennent pas compte du mois de décembre boursier désastreux que l’on vient de connaître, vous avez tout de même enregistré une performance positive dans un contexte de turbulences tout au long de l’automne. Comment l’expliquez-vous ?

On est très satisfait de nos résultats qui traduisent bien la réalité économique québécoise dans laquelle on évolue puisque plus de 65 % de nos actifs doivent être investis au Québec.

Si les marchés boursiers ont été soumis à un environnement géopolitique marqué par l’incertitude – les tensions commerciales avec la Chine, le Brexit, la hausse des taux d’intérêt… –, l’économie québécoise s’est très bien comportée en 2018.

Pour les six premiers mois de l’exercice 2018-2019, nos participations privées que l’on fait directement dans les entreprises québécoises ont généré un rendement de 8,8 %. Et le poids de nos actifs privés représente 45 % de nos actifs totaux.

C’est ce qui explique que le rendement de 2,2 % du Fonds de solidarité est nettement meilleur que la moyenne des fonds communs canadiens équilibrés qui a été de - 1,4 % pour le semestre. Sur 12 mois, on a fait un rendement de 5,8 % contre - 1,7 % pour les fonds équilibrés canadiens.

Vos participations privées représentent donc un avantage certain dans le contexte actuel parce qu’elles ne dépendent pas des fluctuations du marché. Historiquement, est-ce que vos placements privés produisent toujours de meilleurs rendements que les placements boursiers ?

Non, ce n’est pas toujours le cas. Il y a des années où nos placements boursiers ont mieux fait. Mais dans le contexte actuel de turbulences boursières, on est beaucoup moins volatils puisque près de la moitié de nos actifs ne sont pas soumis aux soubresauts des marchés.

Et c’est un avantage pour les investisseurs, on leur donne accès à cette catégorie d’actifs que les autres n’offrent pas. Et je tiens à rappeler que notre méthode d’évaluation de ces placements est encadrée par l’Autorité des marchés financiers et qu’elle est vérifiée par un comité d’experts externe.

Depuis quelques années, le Fonds de solidarité participe de plus en plus à de gros financements. Ç’a été le cas dans Agropur ou La Coop fédérée. Est-ce que ces gros financements privés sont une source de stabilité qui vous permet de mieux répartir les risques ?

Au fil des ans, le Fonds a acquis une taille qui lui permet de participer à des opérations de financement plus importantes. Avec un actif net de 14,8 milliards et des souscriptions annuelles qui vont atteindre cette année 875 millions, on est en mesure de réaliser de grosses transactions.

Le plus important investissement que l’on a réalisé à ce jour a été de 300 millions lorsque Intact a fait l’acquisition d’AXA Assurances. Cette année, on a investi 50 millions dans le groupe Océan pour qu’il réalise sa stratégie d’expansion internationale et 50 millions dans Stingray pour faire l’acquisition de la société NCC.

Mais l’indicateur le plus important, à mes yeux, c’est notre capacité à devenir chaque année le partenaire de 40 à 50 nouvelles entreprises québécoises.

Au cours du premier semestre, nos fonds régionaux ont investi 61 millions dans 61 PME québécoises, dont 33 sont devenues de nouvelles entreprises partenaires.

Dans les derniers mois, vous avez aussi été impliqué dans deux importantes transactions avec la vente du groupe Camso à Michelin et celle, plus récente, du groupe Colo-D à un fonds d’investissement américain. Vous avez récolté plus de 500 millions en gains de capital, mais deux entreprises québécoises sont passées entre des mains étrangères. Comment arbitrez-vous enrichissement et propriété québécoise ?

Écoutez, chaque dossier est examiné au mérite. Dans le cas de Camso, on s’est joint à eux en 2005 et on a participé à leur expansion internationale et à la consolidation du marché.

Mais ils sont arrivés à une étape de leur développement où il était plus avantageux de vendre à Michelin à un prix extrêmement intéressant tout en obtenant le transfert du centre d’expertise mondial de Michelin au Québec, à Magog.

Pour ce qui est de Colo-D (une entreprise de centres de données infonuagiques), le projet est né dans nos bureaux il y a cinq ans. On les a accompagnés à bâtir un premier centre à Drummondville et un deuxième à Longueuil. Le prix qui leur a été offert était difficilement refusable.

Mais on ne perd pas ici une expertise. Colo-D, c’était avant tout une infrastructure qui va continuer d’exister, mais l’argent que l’on a récolté va être investi dans des entreprises manufacturières qui ont besoin de nouvelles technologies pour poursuivre leur expansion internationale. Là, on va créer de la valeur ajoutée.

On a créé, il y a quatre ans, un fonds de 500 millions pour la sauvegarde des sièges sociaux. On a identifié des entreprises et on a acheté de leurs actions sur le marché secondaire. On n’avait pas la prétention de régler à nous seuls la question des sièges sociaux québécois, mais on a lancé le message aux gestionnaires institutionnels que cet enjeu était important.

Les résultats de votre prochain semestre vont prendre en compte les fortes baisses des valeurs boursières de décembre et celles, probables, qui vont survenir dans les prochains mois. Comment entrevoyez-vous 2019 ?

Les bases fondamentales de l’économie restent solides, mais c’est sûr que la volatilité actuelle peut éventuellement affecter le comportement des entreprises.

Aussi, après dix années de croissance économique, on n’est pas à l’abri d’une récession et si cela se produit, alors on va investir massivement comme on l’a fait en 2009, en pleine crise, lorsqu’on a injecté le montant record de 1,3 milliard dans les entreprises québécoises.

Sinon, on prévoit investir plus de 600 millions au cours du semestre pour boucler notre exercice.