Photo Alain Roberge, La Presse

Barry F. Lorenzetti, PDG de BFL Canada

Barry F. Lorenzetti a fondé, il y a 31 ans, la firme BFL Canada, qui est devenue aujourd’hui le plus important courtier d’assurance et gestionnaire de risque indépendant au Canada avec ses 715 employés répartis dans 12 bureaux à travers le pays. La Caisse de dépôt et placement vient d’injecter plus de 100 millions de dollars dans le capital de BFL Canada pour appuyer la démarche de Barry Lorenzetti visant à renforcer la présence et le rayonnement de l’entreprise établie à Montréal.

COMMENT AVEZ-VOUS ORCHESTRÉ L’EXPANSION DE BFL CANADA ET RÉUSSI À DEMEURER INDÉPENDANT DANS UN MARCHÉ POURTANT EN PLEINE CONSOLIDATION ?

Notre modèle d’affaires est simple. Dès nos débuts, en 1987, BFL Canada a décidé de partager la richesse avec ses employés-clés. On a instauré une politique d’actionnariat qui permet à nos associés d’être pleinement engagés dans l’entreprise.

Aujourd’hui, notre groupe compte plus de 400 associés, dont 120 sont actionnaires. Toute notre croissance – mis à part deux petites acquisitions – s’est faite de façon organique, avec un taux annuel moyen de progression de plus de 10 %.

On a été recruter des employés dans tous les grands marchés au Canada, et ils ont imposé la présence de BFL partout au pays. On a toujours été très impliqués dans le recrutement et très orientés sur la croissance des ventes.

On a aussi développé des spécialités dans les domaines de la propriété, des dommages, de la responsabilité civile, du cautionnement, de la construction, du cinéma et du sport. On compte plus de 30 000 entreprises comme clients au Canada.

EST-CE QUE VOUS AVEZ DES CONCURRENTS CANADIENS OU FAITES-VOUS PRINCIPALEMENT COMPÉTITION AVEC DES ENTREPRISES ÉTRANGÈRES ?

Nos principaux concurrents sont Marsh, qui est américaine, et la britannique Aon. On a des concurrents locaux au Québec et ailleurs au Canada, mais ils sont de plus petite taille. On est vraiment le plus gros joueur indépendant au Canada.

Beaucoup d’entreprises canadiennes ont été rachetées par des groupes étrangers, comme GPL Assurance au Québec qui a été achetée l’an dernier par l’américaine Gallagher. C’est une perte pour l’économie québécoise.

Quand j’ai débuté ma carrière, je travaillais pour un groupe américain à New York qui me rappelait que je devais hausser ma facturation pour couvrir les coûts d’opération de leur siège social.

Nous, on n’a pas ces contingences. Pour mieux servir nos clients à l’échelle internationale, on s’est associés, en 2012, au groupe privé américain Lockton qui nous représente dans plus de 120 pays et nous, on les représente au Canada. On contrôle toujours pleinement notre destinée.

POURQUOI TENEZ-VOUS TANT À DEMEURER INDÉPENDANT ET DE PROPRIÉTÉ PLEINEMENT CANADIENNE ? QUEL AVANTAGE Y VOYEZ-VOUS ?

C’est une question de culture. On représente nos grands clients québécois et canadiens et on fait affaire avec eux et on a pris les moyens pour le faire dans toutes leurs activités internationales.

On vient d’obtenir le contrat d’assurance pour le nouveau siège social de la Banque Nationale, et Louis Vachon a clairement indiqué qu’il voulait supporter ceux qui supportent la banque. C’est une position que je partage pleinement.

Les bureaux de notre siège social appartiennent à Cominar, et ce sont aussi nos clients. On achète notre café d’une entreprise qui s’assure chez nous. C’est l’attitude qu’il faut développer pour préserver et augmenter l’activité économique au Québec.

Quand je vois une entreprise comme VIA Rail donner un contrat pour la construction de wagons à une entreprise étrangère, je ne comprends pas.

LA CAISSE DE DÉPÔT VIENT DE PRENDRE UNE PARTICIPATION MINORITAIRE DANS LE CAPITAL DE BFL CANADA. EST-CE QUE CET INVESTISSEMENT VOUS PERMET DE RENFORCER VOTRE INDÉPENDANCE ET DE CONSOLIDER VOTRE RÔLE À MONTRÉAL ?

Absolument. Chaque année, on reçoit trois ou quatre offres de grands groupes étrangers ou de banques d’investissement qui voudraient nous acheter. On aurait pu vendre et faire un paquet d’argent.

L’investissement de plus de 100 millions de la Caisse pour une participation minoritaire de 18 % qui pourra atteindre éventuellement 25 % nous permet de conserver notre indépendance et de réaliser notre expansion tant au Québec que dans le reste du Canada.

La Caisse va racheter les participations de certains de nos plus vieux actionnaires au cours des trois prochaines années, et nous allons réaliser des acquisitions pour renforcer notre position de leader au pays.

La Caisse a aimé notre approche d’associés-actionnaires, et on a maintenant un investisseur qui pèse 300 milliards pour nous épauler dans notre développement. C’est une excellente alternative à celle de vendre à un concurrent américain comme Gallagher.

QUELS SONT VOS MARCHÉS-CLÉS AU CANADA ET QUELS SONT CEUX QUE VOUS SOUHAITEZ DÉVELOPPER AU COURS DES PROCHAINES ANNÉES ?

L’ouest du pays représente environ la moitié du milliard de dollars de primes que l’on souscrit annuellement. On a une très forte présente dans l’Ouest avec notamment 70 % du marché des condos à Vancouver. Le Québec et l’Ontario représentent l’autre 500 millions de primes avec des entreprises de toutes les tailles.

La Caisse a beaucoup aimé le fait que l’on génère des revenus récurrents puisque les primes sont renouvelées chaque année et que l’on enregistre un taux de rétention de 98 %.

On veut aller chercher de nouveaux clients dans les marchés où nous avons déjà développé de bonnes expertises, tels que la construction, l’agriculture, le sport ou les entreprises forestières. On a toujours généré beaucoup de croissance organique.

On veut aussi réaliser l’acquisition de boîtes régionales qui sont capables de générer de la croissance. On pense à des marchés tels que Québec, Sherbrooke ou Trois-Rivières.

On prévoit que BFL Canada comptera d’ici cinq ans 1000 employés.