Marie-Claude Houle préside depuis bientôt 20 ans les destinées du Groupe EBC, un leader québécois dans le domaine de la construction, fondé par son père il y a 50 ans. Marie-Claude Houle a remporté, la semaine dernière, le prix Femme d'affaires de l'année 2018 dans la catégorie « Dirigeante, entreprise privée ». Elle nous explique le cheminement d'EBC, qui a longtemps évolué dans l'ombre du Groupe Pomerleau.

Vous êtes la deuxième entreprise en importance au Québec dans le domaine de la construction, où vous êtes actif dans les secteurs du bâtiment, des travaux civils et des mines, et pourtant, on vous connaît peu. Comment expliquez-vous ce relatif anonymat d'EBC ?

C'est vrai qu'on a toujours été moins visible que Pomerleau. Mon père, un ingénieur natif de Notre-Dame-du-Bon-Conseil, a fondé EBC, pour Entreprises Bon Conseil, en 1968 en s'associant avec son frère qui était entrepreneur en construction résidentielle.

Rapidement, il a réorienté EBC vers la construction de bâtiments commerciaux en réalisant l'agrandissement du cégep de Sainte-Foy, puis il s'est attaqué aux travaux de génie civil avant de participer à la construction des grands barrages d'Hydro-Québec.

EBC compte aujourd'hui 430 employés permanents, soit 150 à notre siège social de Québec, 200 à nos bureaux de Brossard et de Montréal, et 80 dans nos bureaux régionaux d'Ottawa, Val-d'Or, Timmins, Mississauga et Vancouver. On a, en moyenne, 1500 employés qui travaillent sur nos chantiers par année.

Pomerleau a toujours été un concurrent dans le secteur du bâtiment, mais dans le secteur des travaux civils, les gros contrats de plusieurs milliards, comme la construction du pont Champlain ou du REM, nous ont forcés à former des alliances. On est partenaires dans plusieurs gros projets.

Vous êtes devenue PDG d'EBC en succédant à votre père en 1999. Comment l'entreprise a-t-elle évolué au cours des 20 dernières années ?

Tout est devenu nettement plus gros. Il y a 20 ans, on avait un chiffre d'affaires de 100 millions, alors qu'il va atteindre le milliard cette année.

Il y a 20 ans, décrocher un contrat de 100 millions, c'était un gros mandat. Aujourd'hui, le projet de construction du REM totalise à lui seul 5 milliards. On ne peut le faire seul, et c'est pourquoi on s'est mis cinq groupes d'entrepreneurs généraux pour le partager : SNC-Lavalin, Aecon, Dragados, Pomerleau et EBC.

Il faut voir au design, au financement, à la construction et à l'opération. Ça prend beaucoup plus de ressources financières et humaines pour opérer aujourd'hui. La gestion du risque est devenue beaucoup plus complexe puisqu'en plus de réaliser les projets en cours - le pont Champlain, le REM, l'échangeur Turcot, le CHUM... -, il faut gérer les projets à venir, tels que le nouveau garage de la STM, la rénovation du tunnel Louis-H.-La Fontaine, l'éventuel prolongement du métro de Montréal et l'agrandissement de l'aéroport de Montréal.

Vous avez dû développer de nouvelles et nombreuses expertises à l'interne. Est-ce que tout cela reste gérable ?

Avant, le client nous expliquait ses besoins. Il avait son architecte et nous donnait les plans pour qu'on les réalise au plus bas coût possible. Aujourd'hui, je dois me préqualifier pour obtenir un contrat.

On a nos propres architectes et ingénieurs, on doit faire le montage du design des projets, on a des spécialistes dans notre département de développement des affaires qui sont à temps plein à préparer les contrats.

Les clients veulent aussi avoir une planification très serrée et très raffinée des échéanciers, il faut aussi faire un suivi constant de nos méthodes et de nos approches en matière de santé et sécurité. On a un département qui compte une dizaine de personnes juste pour assurer ce suivi très important.

On a aussi mis sur pied un département d'informatique où on développe nos propres applications. On est devenu beaucoup plus efficace depuis que l'on fait de la modélisation de données en trois dimensions.

Quel est le secteur d'activités qui génère le plus important volume d'affaires ?

Notre division Bâtiment représente 50 % de notre chiffre d'affaires. On est maître d'oeuvre dans ce secteur, mais on fait beaucoup affaire avec des sous-traitants : plombiers, électriciens, plâtriers...

On est notamment le maître d'oeuvre du projet immobilier Humaniti, au centre-ville de Montréal, pour le compte de Cogir et du Fonds de solidarité FTQ. Ils sont venus chercher notre savoir-faire dans la construction en milieu très urbain.

Les travaux civils et les mines représentent 50 % de volume restant, bien que l'activité dans le secteur des mines opère au ralenti.

Il n'y a pas beaucoup de nouveaux projets, et c'est pourquoi on a décidé d'ouvrir un bureau à Vancouver où on peut utiliser l'expertise que l'on a développée dans la construction de galeries souterraines pour des projets.

EBC est une entreprise à propriété familiale. Est-ce que vous avez déjà ouvert votre capital à des investisseurs de l'extérieur ou souhaitez-vous le faire éventuellement ?

On est effectivement une entreprise familiale avec quatre actionnaires principaux, mes deux frères qui sont tous deux vice-présidents d'EBC, ma soeur qui n'est pas active au sein de l'entreprise et moi-même. Au fil des ans, mon père a octroyé des actions à 13 collaborateurs qui sont toujours actifs au sein de l'entreprise.

Depuis quelques années, on étudie l'opportunité d'ouvrir notre capital pour nous permettre de prendre de l'expansion à l'international. On est le numéro deux au Québec et on se classe dans les 15 plus gros entrepreneurs au Canada, mais on aimerait avoir un rayonnement à l'extérieur.

Vous avez remporté la semaine dernière le prix Femme d'affaires de l'année 2018. Qu'est-ce que représente cette distinction pour vous ?

J'ai été évidemment très honorée de remporter cet hommage. Mais ces activités me gênent un peu. On a nommé l'an dernier une responsable des relations publiques et c'est elle qui a insisté pour que je pose ma candidature. C'est un beau rayonnement pour EBC.