Quinze ans après avoir créé le spectacle Cavalia et sept ans après avoir lancé Odysseo, sa nouvelle épopée hippique présentée tout l'été au centre-ville de Montréal, le créateur Normand Latourelle s'active à préparer pour 2019 un tout nouveau spectacle à grand déploiement où les chevaux seront absents. Odysseo cessera sa tournée nord-américaine pour s'établir en permanence vraisemblablement à Las Vegas.

« Avec Odysseo, j'ai été à la limite de ce qui est faisable pour un grand spectacle de tournée. Plutôt que de faire quelque chose de moins bon avec des chevaux, je préfère faire autre chose », m'explique le PDG de Cavalia, dans une roulotte attenante au gigantesque chapiteau qui a été érigé coin René-Lévesque et De Lorimier. « Le plus grand chapiteau au monde », insiste Normand Latourelle.

À lui seul, le chapiteau d'Odysseo a coûté 2,5 millions de dollars à Cavalia. Les arches qui supportent l'immense toile doivent également soutenir le poids des 80 tonnes d'équipements scéniques nécessaires à la gigantesque production.

L'équipe est d'ailleurs propriétaire de deux de ces chapiteaux hors normes puisque, lorsque le spectacle est présenté à un endroit, un deuxième chapiteau est érigé dans la prochaine ville qui l'accueillera.

C'est sans compter les deux autres chapiteaux du spectacle Cavalia, qui poursuit depuis 15 ans sa tournée à travers le monde - Amériques, Europe, Moyen-Orient, Australie et Asie -, et qui tourne depuis quatre ans en Chine, où le groupe québécois a fait un partenariat avec un producteur chinois.

« On est le spectacle occidental qui cumule la plus longue durée de vie en Chine », souligne avec fierté Normand Latourelle.

UNE OPÉRATION COMPLEXE

La présentation des deux spectacles du groupe Cavalia lui assure des revenus moyens de 80 millions par an, mais les coûts de production sont à l'avenant.

« Le calcul est simple. On présente Odysseo dans cinq ou six villes par année. À chaque fois qu'on débarque dans une ville, on va dépenser 10 millions en coûts de production - achats locaux, hébergement, salaires, déplacements...

« À Montréal, où le prix du billet est de 100 $ en moyenne, il faut qu'on attire au moins 100 000 spectateurs pour faire nos frais. C'est six fois le Centre Bell. Aucun groupe rock n'arrive à attirer autant de monde, c'est un défi à chaque fois », constate Normand Latourelle.

Le créateur, qui a entamé sa carrière dans le métier des arts de la scène à 18 ans en organisant les tournées de groupes de musique québécois tels que Octobre, Offenbach ou Maneige, a dû investir 30 millions dans la production d'Odysseo.

« Tous les profits que l'on réalise depuis sept ans servent à rembourser la dette que l'on a contractée. On a mis 10 millions de nos fonds propres et on a emprunté 20 millions auprès d'agences gouvernementales comme Investissement Québec ou la BDC. Des prêts avec des gros intérêts parce que c'était du capital de risque, selon eux... », déplore Normand Latourelle.

Contrairement à la grande majorité des producteurs culturels, Cavalia n'a jamais touché de subventions parce que l'entreprise ne s'est pas enregistrée comme organisme sans but lucratif.

« On a 150 employés qui travaillent à temps plein sur Odysseo et on embauche 200 employés locaux dans chacune des villes où on se produit. On a aussi 50 employés à notre siège social de la rue d'Iberville, qui assurent le soutien administratif, la billetterie, la commercialisation, le marketing. On fait tout nous-mêmes », expose le fondateur de Cavalia.

UNE PERMANENCE POUR ASSURER LA PÉRENNITÉ

Le modèle d'affaires de l'entreprise est sur le point de changer. Cavalia va annoncer dans les prochains mois son implantation dans une salle permanente. La maison de production associée au projet n'est pas prête à annoncer le partenariat, précise toutefois Normand Latourelle.

Mais ce dernier ne fait que hocher la tête en souriant lorsque nous lui suggérons qu'il s'agira sûrement d'un site permanent à Las Vegas...

« On va réduire nos coûts de production de façon importante, ce qui va nous permettre de dégager des liquidités que l'on va pouvoir investir dans nos nouveaux projets », indique Normand Latourelle.

« J'ai au moins cinq projets qui sont prêts à être réalisés, dont un que l'on va annoncer l'an prochain à Montréal. Je veux continuer de présenter des spectacles qui révolutionnent les arts de la scène en y incorporant un large segment de nouvelles technologies », explique le créateur, qui a été un associé de la première heure du Cirque du Soleil.

Normand Latourelle insiste sur le caractère familial de l'entreprise qu'il a créée il y a une quinzaine d'années. Ses fils David et Mathieu sont respectivement chef des opérations de Cavalia et producteur exécutif d'Odysseo.

« On a créé Cavalia et Odysseo  - qui est un Cavalia sur les stéroïdes - et on a l'équipe de création, notre plus grand trésor d'ailleurs, qui est prête à se lancer dans de nouveaux projets. Il n'y aura pas de chevaux, mais on va toucher et émerveiller les gens de façon tout aussi grandiose », anticipe Normand Latourelle.