La chaîne d'épiceries Metro a encore fait les manchettes financières cette semaine en dévoilant des résultats qui ont surpassé les attentes des analystes et qui ont propulsé la valeur des actions du groupe au-dessus de la barre des 100$. Cela ne surprend pas Pierre H. Lessard, président sortant du conseil de Metro, qui a implanté il y a 25 ans cette solide culture de la performance, basée sur une rigoureuse discipline opérationnelle, qui permet à Metro d'annoncer des profits en hausse durant quelque 20 exercices financiers consécutifs.

Je me souviens des communiqués de presse que Metro diffusait, dans les années 90 et 2000, pour annoncer ses derniers résultats trimestriels. Invariablement, ces communiqués étaient chapeautés d'un titre qui chiffrait la séquence ininterrompue de trimestres en hausse que venait d'enregistrer le groupe.

«Durant les 24 ans où j'ai été président et chef de la direction [de 1990 à 2008] ou président du conseil d'administration [de 2008 à aujourd'hui], il y a seulement une fois où notre bénéfice net ajusté a été inférieur à l'année précédente. C'était en 2008, à la suite de notre acquisition de la chaîne de magasins A&P en Ontario», souligne Pierre H. Lessard.

M. Lessard a quitté cette semaine son poste de président du conseil après 25 ans à la haute direction de la principale chaîne d'épiceries québécoise.

Durant les 18 années où il été président et chef de la direction, il s'est attelé à la transformation radicale du groupe, qui était à l'époque en sérieuse difficulté, pour en faire une entreprise solide, rentable et prête à poursuivre son expansion.

«Metro venait d'enregistrer deux exercices financiers déficitaires, avec des pertes de 9 millions. Quelques semaines après mon entrée en fonction, en octobre 1990, en même temps que Paul Gobeil, devenu vice-président du conseil, une de nos principales banques nous a convoqués pour nous aviser qu'elle ne pouvait plus nous appuyer. Notre bilan n'était pas assez bon.

«Je leur ai dit: "Donnez-moi six semaines et je vous reviens avec un plan de redressement." J'ai demandé à mon équipe de direction de travailler à un programme de réduction de coûts de 10 millions. Ils ont réussi à aller chercher des économies de 15 millions», se rappelle-t-il.

En expansion

À partir de là, l'histoire de Metro commence à s'écrire en accéléré. En 1991, Pierre H. Lessard réalise une émission d'actions de 23 millions, à 3,75$ chacune. Dans la même année, le groupe fait l'acquisition de 48 des 96 magasins Steinberg que la Caisse de dépôt met en vente.

Cette transaction de 100 millions force Metro à recourir de nouveau à l'épargne publique dans le cadre d'un nouveau financement de 30 millions, à 5$ l'action cette fois.

«On a adopté une excellente stratégie, en achetant essentiellement des magasins en milieu urbain. Plusieurs de ces épiceries comptent encore parmi nos établissements qui affichent les plus gros volumes», souligne Pierre H. Lessard.

Cette transaction fait de Metro la chaîne d'alimentation la plus importante du Québec. L'acquisition de la chaîne A&P, en 2008, propulse le groupe au deuxième rang de l'industrie en Ontario.

«De 1990 à aujourd'hui, la valeur de l'action de Metro a été multipliée 130 fois. En tenant compte des fractionnements, la valeur de l'action est passée de 74 cents à 98$ [son prix au moment de notre rencontre, NDLR].»

«En près de 25 ans, on a réussi à produire un rendement annuel composé de 23%, ce qui n'est pas mal pour une entreprise que plusieurs estimaient très mal en point en 1990», relève le président sortant du conseil.

Pierre H. Lessard insiste pour partager le crédit de cette belle aventure avec les équipes de direction qui l'ont épaulé. Une de ses grandes fiertés, c'est d'ailleurs d'avoir pu compter sur une solide relève lorsqu'il a quitté la direction de l'entreprise, en 2008.

L'ex-PDG constate aussi avec satisfaction que Metro a réussi à bien absorber la concurrence venue des États-Unis avec l'implantation de Walmart et celle, avortée, de Target.

Une dernière journée au bureau

M. Lessard m'a reçu lundi matin dans son bureau, à Montréal, où il se préparait à présider une série de comités en prévision de l'assemblée annuelle de Metro, qui allait se dérouler le lendemain.

À 71 ans, il vivait donc son dernier jour officiel de boulot chez Metro, en vertu des statuts qui régissent l'entreprise.

«Je suis rendu à l'âge de la retraite obligatoire. J'avais déjà quitté les quelques autres conseils où je siégeais encore. On m'a mis à la porte partout...», dit avec un fort sourire dans la voix cet administrateur chevronné, titulaire d'une maîtrise en sciences commerciales de l'Université Laval et d'une MBA de Harvard.

«Ça va me permettre de passer un peu plus de temps en Floride», relativise l'homme, qui a travaillé pendant 43 ans dans le domaine du commerce au détail. Habitué qu'il est d'être toujours occupé, M. Lessard prévoit s'impliquer davantage auprès de différentes institutions, notamment le Musée des beaux-arts de Montréal et l'Institut Fraser.