Depuis qu'elle a amorcé sa carrière de gestionnaire de portefeuille en 1990, Christine Décarie s'est rapidement imposée comme la grande spécialiste des titres de sociétés québécoises. D'abord au Fonds Croissance Québec chez Montrusco, puis au Groupe Investors où elle a créé, en 1999, le Fonds d'entreprises québécoises Investors dont elle assume toujours la gestion même.

Cette grande spécialisation qu'elle a développée dans l'évaluation et la gestion de titres de sociétés publiques québécoises n'a jamais été une contrainte pour Christine Décarie.

Ce champ d'expertise n'a surtout pas réduit ses horizons puisque depuis février dernier, elle est aussi directrice de la recherche mondiale du Groupe Investors où elle supervise une équipe de 20 analystes financiers au Canada, en Irlande et à Hong Kong.

Mais avant d'aller plus loin, il faut préciser ici que Christine Décarie n'est ni ma soeur, ni ma cousine, ni une parente de proche ou de loin, mis à part que nous partageons le même ancêtre, Jean Décarie, arrivé à Montréal en 1650 et qui fut l'un des 50 premiers colons à s'établir à l'ombre du mont Royal.

«Ma carrière de gestionnaire de portefeuille est née un peu par hasard. Je venais de terminer mon bac en commerce à McGill et j'ai obtenu un emploi d'été chez Montrusco, où j'ai été cambiste et fait de la recherche financière.

«Je pensais aller compléter ma formation de comptable en septembre, mais le président André Marsan m'a convaincue de rester chez Montrusco et d'obtenir plutôt mon titre d'analyste financier agréé (CFA). C'est là que j'ai tout appris du métier», rappelle la gestionnaire.

En 1989, Christine Décarie est donc analyste financier, spécialiste des titres québécois de petites capitalisations et du secteur des médias. Elle travaille avec les gestionnaires du Fonds Croissance Québec, le premier fonds commun exclusivement composé de titres québécois.

En 1990, elle est promue cogestionnaire du fonds et, en 1993, elle en devient l'unique gestionnaire. En 1999, le Groupe Investors, qui voulait créer un fonds de titres québécois, l'a convaincue de se joindre à lui pour mettre sur pied ce nouveau produit.

«J'ai lancé le Fonds d'entreprises québécoises Investors et l'année suivante, on m'a confié la gestion du Fonds Mutuel Investors du Canada, un des premiers fonds communs canadiens, créé en 1950.

«C'était un fonds équilibré canadien qui cumulait 1,3 milliard d'actifs. J'en ai assuré la gestion jusqu'en 2012. Lorsque je l'ai laissé, les actifs étaient rendus à 1,8 milliard», souligne Christine Décarie

Mandat et responsabilités

Si Christine Décarie a décidé de ne conserver que la gestion du Fonds d'actions québécoises Investors, c'est que ses responsabilités ont passablement augmenté lorsque la société l'a nommée directrice de la recherche en 2010.

«On avait une équipe de huit analystes nord-américains, et la direction souhaitait mieux arrimer le travail des analystes à la réalité et aux besoins des gestionnaires de portefeuille. Il fallait mieux aligner le travail.

«En février dernier, ce mandat de supervision de la recherche s'est agrandi lorsque je suis devenue directrice de la recherche mondiale. On a 10 analystes au Canada, 6 à Dublin et 4 à Hong Kong et ils sont là pour épauler nos 16 gestionnaires de portefeuilles [11 au Canada, 3 à Dublin, 2 à Hong Kong] qui gèrent 70 fonds communs différents», précise Christine Décarie.

La gestionnaire a mis sur pied des groupes d'expertise sectorielle - ressources et énergie, consommation, petites capitalisations... - et favorise la participation de tous les analystes à la gestion des fonds mondiaux du Groupe Investors.

Le cheminement et la réputation de Christine Décarie dans l'industrie financière montréalaise ont été reconnus le printemps dernier lorsqu'elle s'est vu attribuer le Prix Femme de mérite 2014, catégorie Affaires et profession, du «Y» des femmes. Elle recevra son prix en septembre à l'occasion d'une soirée hommage.

«C'est très flatteur de recevoir une telle distinction parce qu'on reconnaît ta contribution. Lorsque j'ai commencé chez Investors, en 1999, il ne se faisait aucune gestion de portefeuille à Montréal. Aujourd'hui, notre équipe de 7 personnes est responsable de la gestion de 5 milliards d'actifs», observe la lauréate.

Ceci dit, Christine Décarie affirme que son travail est nettement plus agréable aujourd'hui qu'il ne l'a été au cours des années 2008, 2009 et 2011 lorsque les marchés ont évolué dans la plus totale volatilité.

«Au cours de ces trois années de crise, ce ne sont que les mauvaises nouvelles macro-économiques qui ont animé les marchés. Les entreprises livraient de bons résultats, mais leurs titres reculaient.

«Des fois, ton approche ou tes processus de gestion ne fonctionnent pas durant une certaine période, mais le gros bon sens finit toujours par revenir. Là, ça n'avait pas de fin», se rappelle-t-elle.

Plusieurs des 54 titres de son Fonds d'entreprises québécoises s'échangeaient à des multiples de 8 ou de 10, et les investisseurs étaient néanmoins pessimistes. Aujourd'hui, la phase d'expansion des multiples que l'on observe depuis 2012 les a ramenés à 15, ce qui est tout à fait acceptable en période de faible inflation.

«Les titres québécois ont été dominants en 2013 parce que plusieurs d'entre eux se retrouvent dans les trois secteurs qui se sont le plus appréciés: la consommation discrétionnaire, la consommation de base et les produits industriels. Ils représentent 37,5% de mon portefeuille contre seulement 16% pour l'indice TSX», soulève Christine Décarie.

Depuis 1993 - année où elle est devenue gestionnaire unique du Fonds Croissance Québec -, Christine Décarie a toujours détenu dans ses portefeuilles les titres de Couche-Tard, Metro, Héroux-Devtek, Richelieu, Canam, Québecor, SNC-Lavalin, Genivar (depuis son entrée en Bourse) et celui de Mediagrif depuis que Claude Roy a pris la direction de l'entreprise. Une fidélité qui a été payante...