Avant d'entreprendre le marathon qu'est le Salon aéronautique de Farnborough, le patron d'Héroux-Devtek, Gilles Labbé, a pris le temps de jouer une partie de golf avec notre chroniqueur Jean-Philippe Décarie. L'occasion de revenir sur une acquisition importante pour l'entreprise.

Gilles Labbé atterrit ce matin à Londres pour entamer un cinquième périple en sol britannique en moins de six mois. Le président d'Héroux-Devtek participe à partir de lundi au Salon international de l'aéronautique de Farnborough et profitera de l'occasion pour rencontrer l'équipe de direction de la société APPH, qu'il a acquise en février dernier.

L'entreprise de Longueuil, qui conçoit et fabrique des trains d'atterrissage pour l'aviation civile et militaire, est en mode expansion depuis l'automne dernier.

Elle a décroché, en septembre, le mandat mondial de fabrication des trains d'atterrissage de la nouvelle gamme d'appareils 777x de Boeing, une version élargie pouvant accueillir 550 passagers plutôt que la configuration de 300 sièges du modèle 777.

Mercredi, la compagnie aérienne Emirates a procédé à la plus importante commande du siècle en signant une entente de 56 milliards US pour la livraison de 150 appareils. Des options sur 50 avions supplémentaires pourraient porter à 70 milliards US la facture totale d'Emirates.

En février, Héroux-Devtek a réalisé l'acquisition d'APPH, un fabricant britannique de trains d'atterrissage qui était une division de BBA Aviation, une société de soutien technique pour les propriétaires de jets privés.

«C'est une acquisition stratégique pour nous parce qu'elle élargit et diversifie géographiquement notre base de clients. On fabrique maintenant les trains d'atterrissage des avions d'entraînement Hawk de BAE, des avions de chasse Gripen de Saab et pour certains modèles d'hélicoptères Agusta. APPH a aussi des clients en Inde et en Corée», explique Gilles Labbé.

Héroux-Devtek a payé 125 millions US pour cette entreprise britannique qui est basée à Runcorn, municipalité située entre Manchester et Liverpool, et qui exploite trois usines dans la région et une autre à Wichita, au Kansas.

Une nouvelle usine

L'entreprise, qui était libre de dettes depuis la vente, en 2012, de sa division industrielle pour 250 millions, a utilisé ses liquidités et a procédé à une émission d'actions pour financer la transaction.

«Lorsqu'on a vendu notre division aérostructure en 2012, on a versé un dividende de 150 millions à nos actionnaires et on a remboursé toutes nos dettes. Il nous restait 35 millions de liquidités qu'on a affectées au paiement de l'acquisition», précise Gilles Labbé.

Héroux-Devtek a complété, il y a un mois, une émission d'actions de 50 millions. La Caisse de dépôt et placement et le Fonds de solidarité FTQ ont absorbé le quart des nouvelles actions qui ont été émises.

«On doit construire une nouvelle usine pour réaliser le mandat de fabrication des trains d'atterrissage du 777x. C'est le plus gros train d'atterrissage de l'aviation civile, plus gros que celui des A380, parce que le 777x n'a que deux réacteurs qui sont donc beaucoup plus gros», souligne le PDG.

Gilles Labbé affirme ne pas avoir pris de décision quant au lieu d'implantation de la nouvelle unité de production.

Il étudie les propositions d'aide financière et de soutien aux infrastructures que lui proposent les différents gouvernements d'États qui n'hésitent pas à surenchérir pour obtenir une nouvelle usine dans leur territoire.

«On doit investir près de 90 millions pour construire l'usine et l'outiller. On a aussi d'autres dépenses en capital à réaliser. C'est plus de 120 millions sur 2 ans. C'est pour ça qu'on prend le temps d'analyser le meilleur site», explique Gilles Labbé.

Héroux-Devtek prévoit doubler ses revenus à 500 millions d'ici 5 ans. Le contrat des 777x, qui sera pleinement opérationnel en 2017, sera évidemment contributif à l'atteinte de cet objectif, tout comme l'est déjà la nouvelle division britannique qui générera des revenus additionnels de plus de 80 millions dès cette année.

«On veut vraiment intégrer au maximum nos activités britanniques. On va être beaucoup plus efficaces au chapitre de la conception. APPH a une équipe de 40 ingénieurs qui pourront travailler en continu sur les projets de notre équipe d'ingénieurs à Saint-Hubert», expose-t-il.

Un marathonien de la négociation

Gilles Labbé avoue retirer une grande fierté de la dernière acquisition qu'il vient de réaliser et qui a, selon lui, donné beaucoup plus de profondeur à son entreprise.

«C'est comme à la Bourse. On dit qu'il faut diversifier son portefeuille. C'est exactement ce que l'on vient de faire avec l'ajout de nouveaux produits et de nouveaux clients», observe-t-il.

Ça faisait 15 ans que Gilles Labbé s'intéressait à APPH. Il les a approchés à plusieurs reprises, mais la société mère BBA Aviation ne voulait pas vendre, puisque cette division était rentable même si elle n'était aucunement liée aux activités principales du groupe.

«Réaliser une transaction, c'est toujours long. Quand on a acheté Devtek, ça faisait 20 ans qu'on se connaissait. Il faut être patient. Ça m'a pris 14 ans pour réaliser l'acquisition d'Eagle Tool aux États-Unis. Je leur ai fait trois offres qu'ils ont toujours refusées.

«Un jour, le propriétaire Bill Brougher m'a invité à souper pour m'apprendre qu'il avait le cancer. Il m'a dit: «Je vais vendre ma compagnie, mais seulement à toi» », relate le PDG d'Héroux.

Au cours de la prochaine semaine, Gilles Labbé va réaliser à Londres un marathon de rencontres avec les clients - Boeing, Airbus, Lockheed, Embraer, Augusta, Bombardier... -, les fournisseurs et les clients potentiels d'Héroux-Devtek.

De 8h le matin jusqu'aux réceptions de fin de soirée, il va tisser des liens comme il le fait depuis 30 ans maintenant. Ce ne sera pas son premier marathon, il en a l'habitude.

Un long cogneur

Avec ses 6 pi 3 po, Gilles Labbé est capable de faire voyager une balle de golf. Il n'a pourtant pas cherché à faire un usage abusif de coups de départ canon durant notre ronde, préférant sagement utiliser son bois 3 au tertre de départ.

«Mon driver est en pénitence et il va le rester. Il ne m'écoute pas», constate-t-il, lucide et résigné.

Ex-joueur de hockey - il a joué dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec à Trois-Rivières et Shawinigan -, Gilles Labbé a le gabarit des longs cogneurs. Même avec son bois 3, ses coups de départ atterrissaient fréquemment à plus de 250 verges, mais pas toujours avec la précision qu'il aurait souhaité avoir.

Ses coups d'approche atteignaient par contre la cible de façon systématique. «Oui, ma partie courte est vraiment au point», constate celui qui a réussi un oiselet sur une normale 4.