François-Jean Coutu l'admet d'emblée, il n'a pas et n'aura jamais la flamboyance de son père. «Mon père est une étoile. Il a fondé l'entreprise et c'est son nom qui est devant chacune de nos pharmacies. Moi je préfère garder ma vie privée. Ce qui ne m'empêche pas de chercher à être flamboyant dans mon organisation, dans notre réseau de pharmacies», souligne le PDG du Groupe Jean Coutu.        

François-Jean Coutu n'a jamais cherché à occuper les feux de la rampe. Depuis qu'il est redevenu PDG de PJC, en 2007, on l'a rarement vu donner des entrevues ou intervenir dans le débat public. Il dit préférer et de loin l'intimité que confère l'anonymat aux distractions que peut générer une trop grande notoriété.

«J'aime ça entrer dans un lieu public et que personne ne me reconnaisse. J'aime me promener dans nos succursales et discuter avec nos clients et nos pharmaciens-propriétaires. Être discret ça me permet de rester près des gens, d'avoir des rapports directs d'un à un», expose François-Jean Coutu, dans la foulée de la publication des derniers résultats financiers du groupe.

PJC qui opère un réseau de 400 pharmacies au Québec, dans les Maritimes et en Ontario, a une fois de plus livré de bons résultats à son troisième trimestre. Des profits de 56,2 millions, en hausse de 8,7% sur des ventes de 716 millions, en hausse de 2,4%.

«Ça fait quelques années maintenant qu'on livre de bons résultats et je pense que nos actionnaires apprécient. Depuis qu'on a réglé nos problèmes aux États-Unis, les choses vont nettement mieux. Même le réseau de pharmacies Rite Aid aux États-Unis, dans lequel nous sommes le principal actionnaire, a fait des profits cette année», souligne le PDG avec un large sourire.

L'épisode américain

Il fait dire que l'épisode américain a été douloureux pour le Groupe Jean Coutu. En 2004, PJC, qui opère déjà un réseau de 300 pharmacies Brooks en Nouvelle-Angleterre, met la main sur 1600 pharmacies Eckerd dans une transaction de 2,4 milliards de dollars.

L'intégration de ces nouvelles unités se fait difficilement, PJC perd de l'argent, l'action du groupe dégringole et Jean Coutu décide en 2005 et pour une période de deux ans de reprendre la direction du Groupe qu'il avait cédée à François-Jean.

En 2006, PJC revend tout son réseau américain de quelque 2000 pharmacies au groupe Rite Aid et devient l'actionnaire principal de la troisième plus importante chaîne de pharmacies aux États-Unis.

«On a cessé d'être opérateur pour devenir investisseur aux États-Unis. Nos 250 millions d'actions nous donnaient 32% des parts de Rite Aid. On a vendu depuis certains blocs d'actions. On contrôle aujourd'hui 18% de Rite Aid, mais la bonne nouvelle c'est qu'ils sont devenus profitables cette année», relève François-Jean Coutu.

Ce dénouement heureux a surtout permis à PJC de régler toutes ses dettes. Le groupe dispose aujourd'hui d'un bilan impeccable qui le place en bonne position pour réaliser des acquisitions au Canada, le marché américain lui étant fermé en raison de son investissement dans Rite Aid.

«On est toujours à l'affût de nouvelles acquisitions, mais on est aussi capables de générer de la croissance organique, en offrant notamment des services additionnels à notre clientèle. Les baby-boomers vieillissent et ils ont plus de besoins.

«Et on réalise chaque année des petites acquisitions, on achète des pharmacies une par une, mais au bout de l'année ça vient générer du volume», précise François-Jean Coutu.

L'amélioration continue

Selon le PDG, une des grandes forces du Groupe Jean Coutu c'est de continuellement réinvestir dans ses pharmacies.

«C'est un enseignement de mon père. Il a toujours insisté pour réinvestir en vue d'améliorer ses pharmacies, en restant à l'écoute de la clientèle, en innovant sans cesse et en créant de nouveaux environnements», observe François-Jean Coutu.

Ce besoin d'innover et d'améliorer l'offre de produits s'est aussi traduit par une incursion, en 2007, dans le secteur de la fabrication lorsque le Groupe Jean Coutu fait l'acquisition de Pro Doc, un fabricant de médicaments génériques qui réalisait à l'époque des ventes annuelles de 12 millions.

Pro Doc fabrique aujourd'hui quelques 300 molécules de médicaments génériques pour le Groupe Jean Coutu. Ses revenus ont été de 160 millions cette année et ils vont augmenter encore puisque le gouvernement vient d'abolir la protection de 15 ans qui couvrait les brevets des médicaments d'origine.

«À partir de la semaine prochaine, ce sont 62 nouvelles molécules de médicaments génériques qu'on va pouvoir produire et vendre dans notre réseau», souligne François-Jean Coutu.

Ces médicaments à meilleur prix représentent aujourd'hui 61% des revenus de prescriptions chez Jean Coutu. Aux États-Unis, les génériques comptent pour 75% des revenus de prescription.

«On est des experts dans ce que l'on fait et on a toujours su s'adapter aux nouveaux défis qui se présentaient», dit François-Jean Coutu.

À 57 ans, le fils du fondateur de PJC prépare déjà lui aussi la relève en amenant graduellement de jeunes gestionnaires à occuper des postes de commande dans l'organisation avec le souci constant de l'amélioration continue.