Malgré un deuxième exercice financier déficitaire, Transat a dévoilé cette semaine des résultats positifs pour son dernier trimestre. Son PDG, Jean-Marc Eustache, ne rayonne pas pour autant. «Ma priorité c'est de redevenir profitable durant la saison d'hiver. C'est là-dessus que les actionnaires vont me juger. Je ne peux pas me casser la gueule une autre fois», décline-t-il avec sa verve habituelle.

Il m'aura fallu attendre un an pour réaliser cette entrevue avec le président fondateur de Transat. À chaque fois que je le croisais et que je lui suggérais une rencontre, Jean-Marc Eustache me virait de bord poliment.

«Je ne suis pas prêt. On est dans le trouble. Je vais te parler quand les choses vont se replacer», me répondait-il invariablement. Il y a un mois, il m'a finalement contacté pour fixer un rendez-vous durant la semaine de la publication de ses résultats financiers.

«Ça fait trois ans que l'on perd de l'argent durant la saison d'hiver. Vingt millions en 2010, vingt millions en 2011 et 55 millions l'an dernier. C'est supposé est notre grosse saison, ça ne pouvait plus continuer comme ça», résume Jean-Marc Eustache.

C'est sous-performance chronique origine de la crise crise financière et de la récession de 2008-2009 alors que le nombre de touristes américains qui allaient traditionnellement au Mexique et aux Caraïbes a chuté de 25 millions par année à 22 millions seulement.

«Les hôteliers se sont retrouvés avec des chambres invendues et ils ont fait du dumping. Nos compétiteurs en ont profité pour casser les prix. Nous comme on était le plus gros joueur qui avait des blocs de chambres déjà négociés on a pas pu profiter de ces prix réduits», explique Jean-Marc Eustache.

Reprise en charge

Pour rectifier le tir, le PDG a décidé, il y a un peu plus d'un an, de reprendre en mains les opérations du groupe de tourisme intégré. Avec le recul, il avoue candidement que le temps avait insidieusement encrassé la machine.

«Ça fait 25 ans cette année qu'on est une société publique et ça fait plus de 30 ans qu'on opère Transat. Il y a plusieurs choses qu'on ne faisait plus de façon systématique. Moi-même j'étais moins impliqué. Là, j'ai repris les opérations et j'ai le même enthousiasme qu'à nos débuts», observe-t-il.

Depuis septembre 2011, le PDG s'est activé à ramener Transat à bien réaliser ses activités de base, c'est-à-dire développer des produits de tourisme distinctifs, choisir les bons hôtels, assurer une bonne expérience-client, rénover toute sa flotte de gros appareils pour offrir les dernières nouveautés de divertissement en vol.

«J'ai aussi changé la structure de direction en amenant à l'avant-plan une nouvelle génération de gestionnaires qui ont à coeur le développement du groupe», précise Jean-Marc Eustache.

Il a aussi divisé la supervision des activités du groupe sous deux chapeaux distinctifs, les destinations Sud et l'Europe.

«Avant ça, on avait une direction qui s'occupait des sièges - de toute l'opération de transport - et une autre qui faisait les achats de chambres. Or l'Europe et le Sud ce sont deux marchés totalement différents. Tu ne réserves pas les mêmes blocs de chambres d'hôtels à Paris qu'au Mexique», expose le PDG.

Flexibilité et réduction de coûts

Pour retrouver et de façon durable la profitabilité, Transat a aussi réduit de 10% ses capacités, préférant sacrifier des parts de marché au profit d'un meilleur taux d'occupation.

«Historiquement Transat avait 35% des parts du marché dans les destinations qu'elle dessert. On a maintenant 28% des parts de marché, mais on fait plus d'argent comme le démontrent nos derniers résultats (profits de 16,6 millions contre une perte de 7,3 millions l'an dernier)», souligne Jean-Marc Eustache.

Transat opère dans un secteur d'activités à très faible marge et doit lutter quotidiennement pour mieux contrôler ses coûts.

«On a des employés qui croient à la réussite du groupe. Ils ont accepté de renoncer à une augmentation de salaire pour nous permettre de réduire nos pertes», signale-t-il.

Jean-Marc Eustache entend proposer à ses syndicats d'agents de bord et de pilotes de nouveaux aménagements qui permettraient de dégager des économies non négligeables.

«On peut faire travailler nos agents de bord 14 heures d'affilée sur certains vols aller-retour alors que nos pilotes acceptent de travailler 15 heures. En obtenant une heure de plus de nos agents, on économiserait 2,5 millions par année.

«Traditionnellement nos pilotes qui doivent coucher à l'étranger logeaient dans des hôtels à proximité des aéroports, par exemple au Mercure à Paris. Ils ont obtenu d'être logés en ville dans le même hôtel Mercure. Mais ça nous coûte 5 millions de plus par année», déplore-t-il.

Jean-Marc Eustache insiste sur la faiblesse des marges de profitabilité, lui qui rêverait de réaliser un profit net de 2% sur les 3,5 milliards de revenus que réalise Transat.

«On est dans une business où chaque cent compte, insiste-t-il, c'est un travail de tous les instants de bien surveiller nos coûts d'opération.»

Même s'il va bientôt fêter ses 65 ans, Jean-Marc Eustache avoue se lever à trois ou quatre heures du matin et travailler sept jours par semaine. C'est sa passion dans la vie. Maintenant qu'il a repris les commandes de Transat il veut que le groupe reprenne de l'altitude et redevienne la société profitable qu'elle a longtemps été.