Ils se sont rencontrés chez Astral au début des années 90 dans la division de financement et de distribution de films. Stephen Greenberg, le fils de Harold Greenberg - le président-fondateur d'Astral - était le patron de Jean Bureau, le fils d'André Bureau qui était à l'époque le PDG d'Astral Communications. Vingt ans plus tard, ils sont aujourd'hui à la tête d'Incendo qui est maintenant la plus importante société de distribution télévisuelle au Canada.

Stephen Greenberg a toujours gravité dans le monde du cinéma et de la télévision. Jeune, son père un des grands pionniers du cinéma au Canada - qui a notamment produit L'Apprentissage de Duddy Kravitz, Maria Chapdelaine et Porky, le plus grand succès de salles canadien de l'histoire - l'amenait sur les plateaux de tournage.

Après avoir travaillé durant 22 ans chez Astral, Stephen Greenberg quitte l'entreprise familiale lorsque celle-ci vend sa division de financement et de distribution de film à la société Coscient, au milieu des années 90.

«Je suis devenu le président de Coscient et Jean Bureau était mon vice-président. L'entreprise a été achetée par Charles Sirois pour devenir Motion international qui a été revendue à TVA international», rappelle Stephen Greenberg.

Quelques mois plus tard, TVA international passe aux mains de Quebecor qui vient de faire l'acquisition de Vidéotron. C'est à partir de ce moment que prend forme Incendo.

«J'étais responsable des activités de distribution et de financement international, raconte Jean Bureau, et Quebecor nous a dit que ce n'était pas une priorité pour eux. J'ai quitté en janvier 2001 pour fonder ma propre maison de distribution.

«En septembre, Stephen a quitté lui aussi TVA international pour créer sa boîte de production et c'est là qu'on a fondé Incendo. On a voulu racheter TVA international mais ça n'a pas marché»

L'expérience et les contacts dans l'industrie qu'on accumulés les deux hommes leur permettent de mettre rapidement sur pied une opération conséquente.

«Quand on a quitté, nos clients nous ont suivi et on a pu signer de nouvelles ententes avec HBO, Dreamworks, Hearst (TSN, ESPN, Popular Mechanics...). Rapidement, Hearst a acheté les premiers films qu'on allait produire.

Un modèle unique

En dix ans seulement, Incendo a réussi à s'implanter comme le plus important distributeur d'émissions de télévision au Canada. La firme montréalaise est responsable de la plupart des émissions regardées aux heures de grande écoute au Canada anglais.

«On a une entente exclusive avec la 20th Century Fox. On distribue toutes leurs émissions de «prime time» au Canada: les Simpsons, House, The Choice, Touch, The X Factor...», expose Jean Bureau.

Incendo est aussi le distributeur des studios Paramount pour toutes les salles de cinéma du Québec où le film Tintin a fracassé son lot de records au cours des derniers mois.

Mais la grande spécialité d'Incendo, qui est aussi sa grande particularité, c'est la production de téléfilms, une opération qu'elle contrôle de A à Z de ses bureaux et de ses studios de Montréal et dont le résultat final est pré-vendu partout à travers le monde.«On produit à chaque année cinq téléfilms à Montréal qui sont déjà vendus avant même d'avoir été tournés. On a des ententes avec les grandes chaînes partout dans le monde comme Hearst aux États-Unis, la RAI en Italie, la M6 en France ou même TVA ici, qui achètent les droits de diffusion de nos téléfilms.

«La diffusion première de ces téléfilms est réservée aux grandes chaines payantes comme Super Écran, The Movie Network ou Lifetime aux Etats-Unis qui a un réseau de 100 millions de téléspectateurs à la carte et qui a acheté les 51 films qu'on a produits jusqu'à maintenant», résume Jean Bureau.

Chaque téléfilm est scénarisé et réalisé par des professionnels canadiens et sont tournés à Montréal où Incendo compte sur une équipe de 60 techniciens et professionnels du cinéma pour supporter les productions.

Incendo a mis au point une recette qu'elle applique de façon systématique. Les téléfilms mettent tous en vedette une actrice américaine connue des téléséries du petit écran aux États-Unis. Ces locomotives tiennent toujours le premier rôle et elles évoluent avec des acteurs qui sont tous canadiens et inconnus.

«Les téléfilms sont pré-vendus et c'est nous qui assumons tous les risques de production. Le budget de chaque téléfilm oscille entre 3 et 4 millions et on conserve les droits et le catalogue. Tous nos téléfilms ont été rachetés partout à travers le monde et continuent à être diffusés, ce qui nous rapportent toujours des droits», précise Stephen Greenberg.

Cette expertise particulière et la renommée acquise par Incendo aux États-Unis et ailleurs dans le monde permettent maintenant au groupe de se lancer des projets plus audacieux encore.

«On a déjà fait une télésérie, Robinson Crusoe que NBC a achetée et diffusée en «prime time» et que Rogers a acheté pour le Canada, mais là on travaille sur le développement d'une grande télésérie historique Versailles qui a été écrite spécialement pour nous par les auteurs de Mad Men. On parle d'un projet de 45 millions, semblable à la série Tudor qui a été récemment diffusée», s'emballe Jean Bureau.

Mark Burnett, le plus important producteur de téléréalité au monde, veut aussi s'associer à Incendo pour des projets bien particuliers, renchérit Stephen Greenberg. Les deux associés et amis ont visiblement le désir et la volonté de poursuivre pour longtemps encore leur aventure télévisuelle.