Lorsqu'Alain Bédard a pris la direction de Cabano Kingsway en 1996, l'entreprise de camionnage réalisait un chiffre d'affaires de 100 millions et il fallait la redresser. Il a réalisé depuis une centaine d'acquisitions pour faire de Transforce un chef de file nord-américain du transport et de la logistique qui a enregistré des revenus de 2,6 milliards en 2011. Le prochain objectif: atteindre la marque des 5 milliards d'ici cinq ans.

La dernière fois que j'avais rencontré Alain Bédard, c'était en 2006 et il venait d'acheter une maison et de déménager à Calgary parce qu'il voulait suivre de près le développement de Transforce dans le secteur de l'énergie, une activité nouvelle et prometteuse, selon lui.

S'il a gardé sa maison en Alberta, Alain Bédard en a acheté une autre à Denver, au Colorado, où il réside maintenant depuis qu'il a fait l'acquisition de la société Speedy Heavy Hauling, une firme spécialisée dans le transport de plateformes de forage pétrolier en 2010.

«Notre business dans le secteur de l'énergie au Canada s'est passablement effondrée en 2008 lorsque le baril de pétrole a subitement chuté de 140$ à 40$. Il a fallu réagir. C'est pourquoi on a décidé de nous orienter vers le marché américain. C'est aux États-Unis que l'essentiel de la croissance de Transforce va dorénavant provenir», explique le spécialiste des acquisitions.

Parce qu'il faut bien le dire, Alain Bédard a tout à fait le profil de l'acquéreur en série. Un profil qu'il a développé lorsqu'il a occupé la fonction de chef de la direction financière chez Saputo de 1985 à 1996, une période durant laquelle il a été appelé à réaliser plusieurs acquisitions pour le géant du fromage.

C'est à la demande de Lino Saputo qui était l'actionnaire principal de Cabano qu'il a pris la direction de l'entreprise de camionnage en 1996 et qu'il a entrepris de consolider le marché du transport routier au Canada en multipliant les acquisitions.

Il est d'ailleurs incapable de faire la recension exacte du nombre d'entreprises qu'il a achetées au fil des ans.

«C'est pas loin d'une centaine, évalue-t-il, je ne sais pas exactement. Mais je vous dirais que là-dessus, il y en a une vingtaine qui ont fait une différence pour Transforce. Chose certaine, on ne fait plus d'acquisitions de petites entreprises. Au Canada, on a complété notre consolidation dans le secteur du transport de lots complets. Tout comme aux Etats-Unis, on se concentre sur le secteur des colis et de l'énergie.»

Alain Bédard a beau être hyperactif sur le plan des transactions et être constamment en déplacement pour suivre la progression de son entreprise continentale, il n'a pas de téléphone portable et affirme se porter très bien pour autant.

«Je n'aime pas ça, les cellulaires. Je ne suis pas convaincu que les ondes cellulaires soient inoffensives. De toute façon, si on cherche à me joindre, mon adjointe sait où me trouver et elle va trouver le moyen de me contacter», explique-t-il bien candidement.

Toujours les acquisitions

Dans cette volonté de diversifier ses activités, Transforce rachète donc en 2010 de la faillite la société Speedy Heavy Hauling qui a réalisé pas moins de 2500 déplacements de puits pétroliers au cours de la dernière année aux Etats-Unis.

«Notre division canadienne a réalisé dans la même année le déplacement de 400 plateformes. Ça vous donne une idée de l'importance de cette activité aux États-Unis», explique Alain Bédard.

Si les dernières années, marquées par une activité économique très ralentie, ont été défavorables pour l'industrie du transport, l'année 2011 a toutefois permis à Transforce d'augmenter significativement ses revenus et sa profitabilité.Les acquisitions réalisées par Alain Bédard ne sont pas étrangères à ce redressement.

«On a fait trois acquisitions en 2011 et une autre en tout début d'année. C'est pourquoi les revenus du premier trimestre sont en hausse de 40% et que nos profits ont doublé durant la période», souligne Alain Bédard.

Transforce a fait l'acquisition de Dynamex, une entreprise du Texas active dans le secteur de la livraison de courrier et de colis, qui permet au groupe québécois d'augmenter sa présence dans ce type d'activités et de se hisser au premier rang aux États-Unis dans la livraison le jour même.

«Contrairement à Fedex ou UPS qui font la livraison le jour suivant, nous, on réalise des activités très locales et on livre le jour même. On dessert par exemple l'association de médecine nucléaire des États-Unis et on fait la livraison d'isotopes médicaux dans leurs 11 centres répartis sur l'ensemble du territoire américain», explique le PDG.

«On a des gros clients tels que Office Depot, Staples, Ikea. On s'occupe de leurs activités de livraison parce qu'on a une meilleure logistique. Comme on le fait pour Brault & Martineau au Québec», précise-t-il.

Dans le secteur de l'énergie, Transforce a renforcé sa présence américaine en acquérant la firme IE Miller qui exploite une des plus importantes flottes de transport d'appareils de forage aux Etats-Unis.

Le groupe d'Alain Bédard a aussi complété l'achat des activités canadiennes de DHL Express et les a regroupées avec ses propres actifs dans le transport de colis et courrier sous la nouvelle marque Loomis Express.

Le groupe a également poursuivi sa consolidation dans le secteur du transport de lots brisés en acquérant la société Quik X et ses 17 centres de distribution canadiens.

Transforce opère une flotte de 12 000 camions en Amérique du Nord et compte 22 000 employés ainsi que 6500 camionneurs indépendants contractuels.

Alain Bédard n'a pas encore annoncé d'acquisitions en 2012. Mais l'année est encore jeune...