Ses grands-parents étaient cordonniers en Algérie. Ses parents ont eu des magasins de chaussures au Maroc. Lui, Aldo Bensadoun, a fondé - à partir de Montréal, il y a 40 ans exactement - un empire de commerces de chaussures sur lequel le soleil ne se couche jamais. Plus de 1600 magasins Aldo desservent des millions de clients dans près de 70 pays et il s'ouvre plus d'une centaine de nouveaux Aldo chaque année. Portrait d'un génie du commerce du détail.Malgré ses succès retentissants, Aldo Bensadoun est toujours resté quelqu'un d'éminemment réservé. Un peu à l'image du siège social du groupe qu'il a fondé et où s'activent chaque jour plus de 900 employés à Ville Saint-Laurent.

Il s'agit d'un superbe édifice discrètement établi dans un nouveau développement du nord de Montréal que personne ne voit mais qui révèle une architecture intérieure splendide, inondée de lumière et où trône, en plein milieu de la place centrale, un olivier.

«L'olivier, c'est un symbole de paix, de réconciliation et de longévité», m'explique Aldo Bensadoun, qui prend le temps de me faire réaliser le tour du propriétaire et de me présenter à ses principaux collaborateurs, dont Réjean Dionne, PDG du Groupe Aldo, qui est à ses côtés depuis bientôt 30 ans.

«J'ai des partenaires, Robert Houle et Serge Ranger, qui sont là depuis les débuts en 1972», insiste-t-il.

Fils de Pieds-noirs, Aldo Bensadoun a fait ses études en France avant de terminer son cours universitaire en commerce à l'Université McGill et de tomber en amour avec la ville. C'est ici qu'il décide de démarrer l'entreprise qui est devenue en 40 ans une gigantesque opération planétaire.

«J'ai étudié à Cornell et à McGill à la fin des années soixante. Le mouvement hippie et la contestation m'ont beaucoup marqué. Cela a influencé ma façon de faire des affaires. Je comprends les indignés d'aujourd'hui», observe Aldo Bensadoun.

Aldo en quelques chiffres

Même si son fondateur hésite à le confirmer, Le Groupe Aldo est probablement aujourd'hui le plus important designer et détaillant de chaussures au monde. Jugez-en un peu:

- Aldo Bensadoun est propriétaire de 1 000 magasins Aldo au Canada, aux États-Unis, en Angleterre, en Irlande et en Norvège. Plus de 600 Aldo supplémentaires sont opérés en franchises dans plus de 60 autres pays.

- Aldo possède aussi la bannière Call it Spring qui regroupe 150 magasins au Canada et aux États-Unis et qui opère ses propres boutiques dans 500 magasins J.C. Penney aux États-Unis.

- Le groupe Aldo est propriétaire de la bannière Globo qui possède 26 magasins au Canada et de la chaîne Little Burgundy destinée aux adolescents et qui compte 25 magasins exclusivement dédiés à la vente de grandes marques.

- Le groupe Aldo ne réalise aucune activité de fabrication, mais il compte sur un réseau d'une dizaine d'usines dans le monde (Chine, Europe de l'Est, Amérique du Sud, Italie) qui répond à ses besoins exclusifs, en plus d'avoir plusieurs fournisseurs en sous-traitance.

Depuis ses tous débuts, Aldo conçoit toutefois tous ses modèles de chaussures. Au siège social de Montréal, une centaine de designers s'activent 12 mois par année à créer les nouveaux modèles de souliers, bottes et sandales qui vont meubler les étalages des chaînes Aldo, Spring et Globo.

Durant notre visite, Aldo Bensadoun, n'hésite pas à entrer dans les ateliers de ses designers qu'il connaît tous. Il nous présente une jeune recrue française et deux jeunes designers asiatiques.

«On recrute partout et notamment beaucoup au collège La Salle. On a besoin de designers mais aussi de responsables de lignes de produits ou de gens qui vont repérer les tendances de la mode dans bien des pays», explique-t-il.

Ainsi, le Groupe Aldo a une équipe de 30 personnes qui ne fait que surveiller les nouvelles tendances dans tous les secteurs de la mode. Ils sont localisés aux quatre coins du monde, ils sont les antennes du groupe à Paris, Londres, Shanghaï... et rapportent leurs observations à l'équipe de création de Montréal.

Engagement social

«C'est bien de voir un jeune d'Alma commencer sa carrière dans une boutique chez lui, puis venir à Montréal s'occuper de marketing pour se retrouver à Paris, responsable de collections. C'est aussi notre mission de faire évoluer nos employés», expose Aldo Bensadoun.

Tout au long des deux heures de notre rencontre, M. Aldo - comme les employés du siège social l'appelé amicalement et respectueusement - insiste sur le mandat social de son entreprise.

«Ce qui nous importe lorsqu'on engage quelqu'un c'est la passion qu'il démontre. Mon rôle c'est de leur permettre de développer au maximum cette passion», dit-il.

Lors de notre passage, le siège social du groupe Aldo était particulièrement fébrile puisqu'une centaine de visiteurs étrangers représentants les 60 pays où Aldo possède des franchises étaient sur place pour se faire expliquer les prochaines tendances du groupe.

«C'est le Market Week. Chaque année, on reçoit les responsables des achats de nos franchisés étrangers. On leur montre nos nouveaux modèles et eux prennent les commandes selon leurs besoins», explique le président d'Aldo.

Mais ces visiteurs devront participer à une journée dans la communauté pour réaliser du travail de bénévolat.

«On choisit une cause et on passe la journée à peinturer une école défavorisée ou un centre communautaire. On veut que nos associés étrangers comprennent bien notre engagement social», insiste Aldo Bensadoun.

La décision stratégique marquante

Même si son entreprise a considérablement évolué en 40 ans et que les ventes en ligne représenteront bientôt 10% de son volume d'affaires global, Aldo Bensadoun considère que sa décision stratégique la plus marquante a été celle de lancer, dès le départ, sa propre marque de chaussures.

«Ça ne se faisait pas à l'époque. C'était un peu fou. Mais je voulais offrir quelque chose de différent et le meilleur moyen c'était de le faire moi-même. Ç'a été ma meilleure décision», considère-t-il aujourd'hui.

Au départ, Aldo a ouvert des boutiques dans les magasins Le Château et offrait donc lui aussi des produits exclusifs. Le concept a rapidement débordé et le groupe s'est lancé aux États-Unis en 1982.

«Aujourd'hui c'est mon fils David qui est le président responsable des opérations et c'est mon autre fils, Douglas, qui est directeur général du design et de la marque Aldo. Ce sont les deux secteurs fondamentaux. C'est ça qu'il faut toujours faire évoluer», estime le fondateur d'Aldo.