Depuis 2006, la crise de l'immobilier aux États-Unis a provoqué une cascade de fermetures d'usines de transformation du bois et de moulins à scie au Québec. Philippe Boisclair, le PDG de Canada Wood Products, a pourtant profité de la crise forestière pour solidifier les assises de son entreprise de courtage en bois et même pour prendre de l'expansion.

À 43 ans, Philippe Boisclair est en affaires pour y rester. Frère cadet d'André Boisclair, l'ex-chef du Parti québécois, Philippe Boisclair est tombé tôt dans l'entrepreneuriat.

Étudiant en finances à l'Université Concordia, il achète avec ses amis Stéphane Côté et Christian Dusablon des logements qu'ils rénovent les soirs et les fins de semaine, avant de les revendre. Cette aventure amènera les trois camarades à fonder DevMcGill en 1999.

«On a créé DevMcgill ensemble et on est copropriétaires, mais c'est vraiment Stéphane Côté qui dirige et exploite l'entreprise. Moi, je participais à ça le soir après ma journée de travail chez Boscus, un courtier en bois, où j'étais trader», explique Philippe Boisclair.

N'empêche que DevMcGill est devenu un acteur majeur de la promotion immobilière à Montréal où l'entreprise a déjà érigé plus de 800 unités de condominiums et a remporté de nombreux prix pour le design et l'originalité de ses projets de restauration ou de construction de nouvelles unités d'habitation.

Philippe Boisclair, lui, voulait pousser plus loin son cheminement dans la vente et la distribution de bois d'oeuvre et de bois certifié, une activité qu'il maîtrisait bien et qui lui faisait bien gagner sa vie.

«J'ai commencé chez Boscus, un été, quand j'étais étudiant en finances. L'entreprise appartenait au père d'une consoeur. J'ai aimé ça et j'ai poursuivi comme trader, une fois mes études terminées. J'avais du succès, je faisais de l'argent, mais je voulais acheter des parts dans l'entreprise, participer à sa propriété.

«Le propriétaire n'était pas contre l'idée, mais il n'était pas prêt à faire le geste. Il remettait toujours ça à plus tard. Je me suis lassé et j'ai contacté trois confrères dans l'ouest du pays, en Alberta et en Colombie-Britannique et on a fondé, en 2001, notre entreprise Canada Engineered Wood Products», rappelle l'entrepreneur.

Après le faste, la crise

En 2001, l'industrie forestière canadienne carburait à plein régime, gonflée à bloc par la bulle immobilière américaine, avec un dollar canadien à 63 cents US...

«On a monté une belle opération, avec une quarantaine de traders. Il se construisait 2 millions de nouvelles maisons par année aux États-Unis. Puis ç'a été la crise qui a débuté en 2006, mais qu'on a durement ressentie en 2007, lorsque le nombre de nouvelles mises en chantier a chuté à 500 000», explique Philippe Boisclair.

Les États-Unis qui représentaient 70% des ventes du courtier n'achetaient plus de bois canadien. Les associés de Philippe Boisclair voulaient battre en retraite, réduire les effectifs.

«Moi je voulais profiter de la crise pour consolider le marché, pour diversifier nos activités et embaucher les bons éléments qui allaient perdre leur emploi. Finalement en 2009, j'ai racheté mes parts et j'ai fondé Canada Wood Products avec mon équipe de traders de Montréal», poursuit Philippe Boisclair.

À partir de cette nouvelle base, Canada Wood Products part à la conquête de nouveaux marchés, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. On se lance dans la vente du bois franc et des bois exotiques.

Philippe Boisclair ouvre un bureau à Toronto, un autre à Vancouver où travaillent trois traders chinois pour le seul marché asiatique et enfin un bureau à Mumbai.

«En 2004, on avait pris une participation de 30% dans le courtier montréalais Summit Forest Products. L'an dernier, j'ai racheté l'entreprise et son président Christian L'Abbé est aujourd'hui coactionnaire à 25% dans Canada Wood Products», précise l'entrepreneur.

Résultat des courses: Canada Wood Products se retrouve aujourd'hui avec un réseau de 40 traders en bois et affiche un chiffre d'affaires de 125 millions que Philippe Boisclair prévoit doubler d'ici deux ans.

«On continue d'embaucher. Chaque jour, l'industrie forestière québécoise prend du mieux. On réalise 30% de nos ventes au pays, 30% aux États-Unis et 40% dans le reste du monde et on élargit l'offre de nos services.

«On s'est lancé l'an dernier dans le courtage de l'avoine, de l'orge, du soya et du blé et on compte s'ouvrir aux métaux et à l'énergie. Le Plan Nord sera une belle opportunité pour nous», anticipe-t-il.

Philippe Boisclair a décidé d'exploiter au maximum les forces de son équipe.

«On est des experts dans la gestion du risque du crédit, des inventaires et des devises et on en fait profiter nos clients», observe-t-il.

Mais, sait-on jamais, il pourrait aussi très bien lancer entretemps une nouvelle entreprise comme il l'a fait en 2004 avec la société d'entreposage GoCube.com.

«Quand j'ai déménagé mon frère André à Harvard, en 2004, j'avais vu sur le campus des mini conteneurs qui servaient à déménager des chambres entières. Je trouvais que c'était une bonne idée.»

Avec ses deux associés de DevMcGill, Stéphane Côté et Christian Dusablon, il fonde la compagnie GoCube.com qui a été rachetée depuis par Christian Dusablon. Ce dernier vient tout juste de faire l'acquisition le mois dernier de la compagnie de déménagement La Capitale.

La décision stratégique

La meilleure décision que Philippe Boisclair estime avoir prise, depuis qu'il s'est lancé en affaires, a été de quitter l'entreprise qu'il avait fondée avec trois associés pour repartir plus fort sur des bases nouvelles.

«Diriger une entreprise à quatre, ça n'avait pas de bon sens. Plus jamais je ne referais ça. On était toujours sur le frein, chacun questionnant la décision de l'autre. Je ne suis pas un gars de chicane et je voulais opérer mon entreprise comme je l'entendais.

«On s'est séparé dans la plus grande cordialité. Mais pour moi il était essentiel de capitaliser sur la crise pour créer une entreprise plus forte et mieux armée. C'est exactement ce qu'on a fait et ça a marché comme je l'espérais.»