L'époque des «peddlers» tire à sa fin dans la revente de maisons, à en croire Michel Beauséjour, chef de la direction de la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ). La nouvelle Loi québécoise sur le courtage immobilier, qui cheminait à pas de tortue depuis 2007, entre en vigueur aujourd'hui. Elle vise avant tout une chose: transformer le métier d'agent en véritable profession.

«Quand tu es agent immobilier, tu interviens dans la transaction la plus importante d'une vie, souligne M. Beauséjour. Tu ne peux pas être un peddler. Et c'est ça que la nouvelle loi vient dire: tu ne feras plus ça à temps partiel. Tu peux t'essayer, mais tu ne dureras pas longtemps. C'est une profession et les gens vont devoir faire les efforts nécessaires.»

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La nouvelle législation ratisse large. Tout d'abord, le terme «agent immobilier» disparaît. Tous les agents seront désormais appelés «courtiers». Le titre de courtier hypothécaire sera aussi reconnu – et régi – par la Loi, ce qui n'était pas le cas auparavant. Va pour le rebrassage linguistique.

Ce qui changera surtout, c'est le degré de difficulté pour obtenir une licence. Jusqu'à cette semaine, les intéressés devaient simplement passer un examen à choix multiples après avoir suivi un cours de 240 heures. Ils devront maintenant réussir un test beaucoup plus ardu, basé sur les compétences, au terme d'une formation évaluée à 500 heures.

Michel Beauséjour admet qu'environ la moitié des 18 000 agents du Québec détiennent seulement un diplôme de cinquième secondaire. De plus en plus de diplômés du cégep et de l'université convergent toutefois vers la profession, ajoute-t-il, et la nouvelle loi accentuera la tendance. «Pour passer l'examen, il va falloir que tu sois capable de dealer avec des concepts. Tu ne fais pas ça avec un cinquième secondaire, ça prend au moins un cours collégial.»

Selon le dirigeant de 59 ans, l'époque où le métier de courtier constituait «une deuxième ou une troisième carrière» est révolue. La Chambre immobilière du Grand Montréal (CIGM) s'attend d'ailleurs à une baisse de 20% du recrutement dans les collèges immobiliers de la province pour l'année qui vient, à cause des critères plus sévères de la nouvelle loi.

Responsabilité accrue

L'autre changement de taille engendré par la nouvelle loi touche la responsabilité des courtiers. Il leur sera désormais beaucoup plus difficile de se défiler dans le cas où une transaction tourne mal. Par exemple, si un acheteur réalise après coup que les dimensions de sa nouvelle maison ont été exagérées, il pourra poursuivre plus facilement, explique Michel Beauséjour.

«Il y avait un flou de responsabilité entre l'agent, travailleur autonome, et le courtier, propriétaire de l'agence. Qu'est-ce qui arrivait dans les cas où l'agent était insolvable? Le courtier n'était pas nécessairement tenu responsable, alors que, maintenant, c'est clair. Si le courtier est insolvable, le propriétaire de l'agence va se faire ramasser.»

Et qu'en est-il des commissions juteuses, qui choquent bien des gens en cette époque où de nombreuses maisons s'envolent en quelques jours? La rémunération n'est en aucun cas visée par la nouvelle loi, pas plus qu'elle ne l'était avant. Le dirigeant de la FCIQ a un seul conseil pour les consommateurs: «négociez».

«Certains facturent 7%, d'autres 2%, ça se négocie en fonction du travail que le courtier fait et il ne faut pas hésiter à négocier», lance-t-il.

M. Beauséjour affirme ne pas être opposé aux nouveaux modèles d'affaires, qui permettent aux courtiers d'offrir un service minimal en échange d'une commission plus petite que les 5% habituels, ou d'un prix fixe. Mais ces pratiques ne dégagent pas les agents de leurs responsabilités professionnelles, ajoute-t-il. En clair, ils sont tenus de respecter la loi même s'ils facturent un prix unique de 500$.

Chose certaine, les consommateurs doivent savoir à quoi s'attendre quand ils signent leur contrat de courtage, fait valoir le chef de la direction de la FCIQ. «Si je suis un vendeur de Mercedes, est-ce que ça m'énerve d'avoir à côté de moi un vendeur de Kia? Non, parce qu'on vise des marchés différents. Là où le bât blesse, c'est quand on a un vendeur de Kia qui veut vendre son auto le prix d'une Mercedes.»

Partage de la commission

Les courtiers, qu'ils facturent 2% ou 7%, devront par ailleurs divulguer à leurs clients la façon dont ils entendent partager la commission, en vertu de la nouvelle loi. Il s'agit d'un changement majeur, puisque l'importance de ce pourcentage incite les agents concurrents à faire visiter – ou pas – une maison à vendre. La moitié d'une commission de 5% est beaucoup plus attirante qu'un quart, en somme.

«Il faut que le courtier explique à son client combien il offre de partager, et quelles sont les conséquences, explique Michel Beauséjour. Le client, en ayant la bonne information, peut ensuite prendre sa décision.»

En dépit de toutes les améliorations, la loi ne va pas assez loin au goût de tout le monde. La formation (optionnelle), tout comme la qualité du français et des photos (parfois médiocres) utilisés dans les inscriptions, ne seront pas balisés par la législation, dénoncent certains.

Michel Beauséjour, qui a cumulé des carrières de comptable agréé et d'expert en technologies avant d'arriver à la barre de la FCIQ, assure qu'un mécanisme amélioré de contrôle de la qualité des inscriptions «s'en vient». Aussi, les courtiers qui se refusent à adopter des pratiques plus modernes seront tout simplement évincés du marché au profit de concurrents plus compétents, dit-il en gros.

«Tu ne peux plus aujourd'hui te comporter comme tu le faisais dans les années 80. Les gens qui n'ont pas réussi à évoluer vont devoir tirer les conclusions qu'ils ont à tirer.»