Greg Jamison, copropriétaire, président et chef de la direction des Sharks de San Jose, est un fervent croyant du hockey dans les marchés non traditionnels. Dans une entrevue accordée à La Presse Affaires, il discute du succès de gestion des Sharks et du hockey dans les contrées où l'hiver n'existe pas.

Q : Beaucoup d'amateurs de hockey montréalais sont quelque peu sceptiques quant aux chances de succès du hockey dans les marchés non traditionnels du sud des États-Unis. Qu'est-ce qui fait que cela fonctionne à San Jose. Quel est le secret?

R : Je ne sais pas s'il y a un secret. Je crois plutôt que c'est le fruit d'un travail constant, année après année.

Nous sortons à peine de l'adolescence maintenant. Notre équipe a à peine 18 ans. Nous nous attendons à voir une certaine maturation. Nous avons créé une génération de partisans qui ont grandi avec les Sharks. Notre base grandit d'année en année.

Je pense que San Jose était un marché non traditionnel pour le hockey. Mais nous avons vu l'apparition de plusieurs patinoires dans la région. Notre groupe en possède sept entre San Jose et Oakland. Dans notre principal aréna récréatif, il y a environ 160 équipes de hockey d'adultes dans la région, et beaucoup d'équipes de jeunes aussi. On voit de plus en plus de gens jouer au hockey. Éventuellement, nous serons en mesure de nous défaire de ce statut de marché non traditionnel. Mais pour l'instant, nous devons encore vivre avec ça.

Q : Forbes écrit que les Sharks sont gérés comme une firme de capital-risque. Est-ce une bonne façon de décrire l'approche des propriétaires?

R : Oui, en quelque sorte. Mais c'est aussi affaire de passion. Il y a une passion pour le jeu, pour le sport. Notre objectif global est d'avoir un bon investissement et de gagner à un haut niveau.

Q : Mais est-ce que le groupe de propriétaires a acheté la franchise d'abord pour l'argent, ou davantage pour la passion, considérant que vous n'avez pas encore dégagé le moindre profit?

R : (Rires.) Vous avez déjà répondu à la question ! Évidemment, les gens aiment avoir un bon rendement quand ils investissent. Mais il est évident que notre groupe se soucie beaucoup du produit et du succès, pour les partisans. Beaucoup d'accent est mis à mettre une bonne équipe sur la glace, mais nous essayons de le faire de la bonne façon. Nous essayons de ne pas dépenser l'argent bêtement.

Q : Les Sharks font partie d'un groupe de plusieurs propriétés, incluant la gestion de concerts et l'organisation de tournois de tennis. Est-ce que l'aspect strictement hockey de l'entreprise sera profitable un jour?

R : Ça prendra beaucoup de travail. Espérons que nous y arriverons, mais ça prendra du temps.

Q : En quoi est-ce important d'avoir une certaine diversification des activités?

R : L'objectif est d'avoir une entreprise de sports et de divertissement très forte et équilibrée. En plus, cela procure d'autres formes de revenu pour soutenir la croissance continue de l'équipe de hockey.

Q : Est-ce que le hockey peut fonctionner dans n'importe quel marché non traditionnel?

R : Je pense que oui, il s'agit un très bon produit. Parfois, il faut passer par un processus d'éducation. Il y a beaucoup d'équipes du Sud qui peuvent avoir du succès. Peut-être pas chaque année, mais quand même. C'est un secteur cyclique. Dallas, Tampa Bay et Anaheim ont gagné la Coupe Stanley.

Souvenez-vous que la plupart de ces équipes ne sont pas encore sorties de leur adolescence, en termes d'âge. Au Canada, la base de partisans s'étend des enfants de trois ans aux plus vieux. Ici, la base est probablement plus jeune.

Q : Est-ce que les Coyotes peuvent survivre à Phoenix?

R : Je pense qu'il y a de bonnes chances que les Coyotes survivent à Phoenix. Qui sait combien de temps ça prendra. Mais il faut revenir à un fait: le produit de la LNH est un bon produit. Je crois que les partisans aiment ça. Je crois que les équipes peuvent vivre dans n'importe quel marché.

Q : Mais les partisans aiment le hockey quand leur équipe gagne. Année après année, les Sharks forment l'une des meilleures équipes de la LNH. Est-ce que l'équipe survivrait à quatre ou cinq saisons perdantes consécutives. Est-ce que les partisans suivraient?

R : C'est une grande question, une question pertinente, mais que j'aimerais ne jamais devoir me poser. Je ne peux qu'espérer que les partisans suivent. Autant faut-il générer des partisans de l'équipe, autant il faut générer des partisans pour le sport. Aux États-Unis comme au Canada, il y a de grands amateurs de hockey. Parfois, leur équipe ne gagne pas, mais ils restent des amateurs. Ici, nous avons de grands amateurs des Sharks, mais on essaie de les amener à être des amateurs de la LNH et du hockey en général. Cela prend un peu plus de temps.

Q : Quelle est l'importance de gagner la Coupe Stanley?

R : (Rires). Je ne sais pas encore, nous ne l'avons pas fait! Mais je pense que ce serait vraiment très bien parce que vous obtenez ainsi une telle couverture dans votre marché. C'est très difficile. J'ai beaucoup d'admiration pour ceux qui ont réussi. Mais nous n'abandonnons pas.