Les actions du Groupe Aecon retraitaient de plus de 15 % jeudi, touchant un creux de neuf mois, après que le gouvernement fédéral eut bloqué sa prise de contrôle par une société d'État chinoise pour des raisons de sécurité nationale.

Les actions ont clôturé à 14,67 $ à la Bourse de Toronto, en baisse de 2,67 $, ou 15,4 %, après avoir reculé jusqu'à 14,29 $ en cours de séance.

Il s'agissait de leur plus bas niveau depuis fin août, soit lorsque la compagnie a annoncé qu'elle lançait un examen stratégique qui pouvait potentiellement déboucher sur une vente.

La société avait ensuite annoncé en octobre avoir signé un accord prévoyant son acquisition aux mains de CCCC International Holding. La transaction, évaluée à 1,5 milliard, a cependant été une source de controverse.

Ottawa a annoncé en février un examen de la transaction du point de vue de la sécurité nationale. Les experts ont exhorté le gouvernement à faire preuve de prudence dans son évaluation des offres d'investissement des sociétés d'État chinoises et à être aussi transparent que possible dans l'opération.

Le ministre du Développement économique, Navdeep Bains, a confirmé la décision du gouvernement de bloquer la transaction mercredi, après la fermeture des marchés.

«Nous avons écouté les conseils des organismes chargés d'assurer la sécurité nationale, au cours des multiples étapes du processus d'examen relatif à la sécurité nationale, conformément à la Loi sur Investissement Canada», a-t-il déclaré dans un communiqué de presse.

«Notre gouvernement est ouvert aux investissements étrangers qui créent des emplois et favorisent la prospérité, du moment qu'ils ne portent pas atteinte à la sécurité nationale.»

Le ministre Bains n'a pas donné de détails sur les éléments précis qui ont justifié sa décision. Un porte-parole, Karl Sasseville, a indiqué jeudi que le gouvernement ne pouvait pas élaborer sur ces détails lorsqu'il était question de sécurité nationale. Il a aussi indiqué qu'en vertu de la Loi sur Investissement Canada, chaque transaction était évaluée en fonction de ses propres faits et mérites.

Certaines entreprises de construction canadiennes avaient exprimé leur opposition à l'accord. L'association qui les représente a déclaré jeudi que cette décision témoignait de la confiance du gouvernement fédéral dans l'industrie canadienne de la construction.

«Nous sommes heureux que le gouvernement ait reconnu que les entités appartenant au gouvernement ou contrôlées par celui-ci n'ont pas de place pour concurrencer sur le marché canadien contre les entreprises privées et celles cotées en Bourse qui constituent l'industrie canadienne de la construction», a déclaré la présidente de l'Association canadienne de la construction, Mary Van Buren.

L'analyste financier Frédéric Bastien, de la société d'investissement Raymond James, a estimé que le marché boursier avait déjà fixé un certain degré d'incertitude avant l'annonce, le cours de l'action ayant baissé environ 15 % en dessous du prix de 20,37 $ par action offert par CCCC International Holding.

Plus important encore, il a noté que le titre avait clôturé seulement 5 % au-dessus de 16,60 $, soit son cours moyen pour les quatre trimestres qui ont précédé toute annonce évoquant un processus de vente.

M. Bastien a noté que le prix de l'action pourrait baisser encore davantage au fur et à mesure que les actions quitteront les fonds spéculatifs et les fonds d'arbitrage pour se retrouver dans les mains d'investisseurs plus réguliers.

«Le Groupe Aecon est mieux positionné qu'il ne l'était il y a un an. Rachat ou pas, nous soutenons que le géant de la construction est une entreprise plus solide aujourd'hui qu'avant l'annonce de la transaction, et qu'il sera éventuellement évalué comme tel», écrit-il dans un rapport.

Le carnet de commandes d'Aecon a atteint un niveau record grâce aux contributions de grands contrats d'infrastructure, notamment le projet de train électrique REM à Montréal et le projet de train léger sur rail Finch West à Toronto.

Aecon participe depuis longtemps à des projets de construction et d'ingénierie au Canada. Il a notamment travaillé sur la Tour CN, le SkyTrain de Vancouver, la Voie maritime du Saint-Laurent, l'Aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau et le chantier naval d'Halifax.

La compagnie s'est dite déçue de la décision du gouvernement et a indiqué qu'elle continuerait d'être un acteur de premier plan sur le marché canadien de la construction et des infrastructures.

«Alors qu'on nous empêche de réaliser la transaction, nous allons de l'avant dans une position de force», a déclaré le président et chef de la direction, John Beck, dans un communiqué.

M. Beck restera en poste jusqu'à ce qu'un remplacement permanent lui soit trouvé, alors que le processus de vente qu'il a mis en oeuvre prendra fin.

Selon l'analyste Derek Spronck, de RBC Marchés des Capitaux, il est peu probable que d'autres acheteurs se manifestent à court terme.