Le premier ministre Justin Trudeau est prêt à entendre les critiques des travailleurs du chantier maritime Davie lors de son passage à Québec jeudi.

«Il y a des gens qui veulent toujours plus d'investissements dans leur coin de pays», a-t-il constaté lors d'une entrevue avec La Presse canadienne.

«Le défi pour un premier ministre est toujours de trouver le bon équilibre pour créer des emplois et pour répondre aux besoins un peu partout au pays, a-t-il ajouté. Les gens comprennent que ce sont toujours des choix difficiles et, moi, mon engagement c'est de m'assurer que ça soit équitable.»

Lors de cette entrevue, M. Trudeau a évité de faire des propositions précises pour le chantier naval de Lévis qui est à la recherche de nouveaux contrats.

Huit cents travailleurs ont été mis à pied par Davie depuis le mois de novembre. Ceux-ci avaient travaillé à la conversion de l'Astérix, un porte-conteneurs transformé en navire ravitailleur qui a été livré à la Marine royale canadienne à la fin décembre. L'entreprise, qui a respecté le budget de 650 millions $ et l'échéancier alloués pour ce projet, espérait une nouvelle commande du gouvernement fédéral.

Ottawa a plutôt fermé la porte en novembre en soulignant qu'il ne voyait pas le besoin de commander un deuxième navire de ravitaillement. L'Astérix est une solution temporaire qui fournira du ravitaillement en carburant aux navires canadiens déjà en mer durant cinq ans en attendant que les navires commandés au chantier Seaspan de Vancouver soient prêts.

Or, selon le rapport annuel sur la Stratégie maritime du gouvernement fédéral, la construction du premier navire de ravitaillement par Seaspan ne débutera pas avant 2019.

Davie avait été écartée en 2011 de la Stratégie de construction navale du gouvernement conservateur de Stephen Harper parce que l'entreprise était en difficulté financière lors de la publication des appels d'offres. Les contrats pour la construction de petits et de grands navires pour la marine canadienne avaient donc été attribués aux chantiers concurrents Seaspan et Irving, situés respectivement à Vancouver et à Halifax.

Prochains appels d'offres?

Les travailleurs du chantier naval Davie qui s'attendaient à une annonce lors du passage de Justin Trudeau jeudi risquent toutefois d'être déçus.

Même s'il a souligné l'efficacité du chantier naval en entrevue, le premier ministre a esquivé les questions sur la possibilité pour le gouvernement d'accélérer des appels d'offres pour commander de nouveaux brise-glaces afin de remplacer sa flotte vieillissante.

Les passagers d'un traversier qui faisait le trajet entre Lévis et Québec sont demeurés coincés durant plus de quatre heures au début du mois. Le brise-glace de la Garde côtière qui devait aller leur porter secours était en panne.

«C'est une vraie fierté pas seulement pour le Québec, mais pour le Canada d'avoir un chantier de cette qualité», a affirmé Justin Trudeau.

«On a beaucoup d'appels d'offres qui s'en viennent, mais on sait que la Davie va être très compétitive à l'intérieur de ces appels d'offres», s'est-il contenté d'ajouter.

Le premier ministre a également répété que sa priorité lorsqu'il est question des navires de la Marine canadienne et de la Garde côtière était «du bon travail, pour les bons produits à un bon prix pour les Canadiens».

Ces propos ont fait réagir le député du Bloc québécois Michel Boudrias, qui demande à nouveau au gouvernement de rectifier le tir.

«Au final, c'est les contribuables canadiens qui vont payer la facture de s'entêter par choix politique et de maintenir (le statu quo) malgré tous les retards qu'on connaît chez Seaspan et Irving», a-t-il dit.

«La seule solution qui vaille pour avoir le meilleur produit possible au meilleur prix possible, c'est la Davie», a-t-il conclu.

Le député conservateur Steven Blaney, de la région de Lévis, presse le gouvernement d'accorder des contrats au chantier naval.

«Le premier ministre Trudeau se laisse endormir par le petit lait des bureaucrates qui s'obstinent à empêcher Davie d'obtenir les contrats qui sont essentiels pour assurer la sécurité maritime du fleuve Saint-Laurent et (atteindre) les objectifs de la Marine royale canadienne», a-t-il soutenu en entrevue.

«Pourquoi est-ce qu'on est silencieux dans ce dossier-là alors qu'on pourrait rassurer les employés de la Davie?», a pour sa part demandé le chef parlementaire du Nouveau Parti démocratique, Guy Caron.

Bien qu'il y ait peu de concret jusqu'à maintenant pour le chantier maritime, Davie demeure optimiste. «On est content que le premier ministre reconnaisse qu'il doit veiller au bon équilibre des besoins et des emplois dans toutes les régions du pays, a affirmé son porte-parole, Frédérik Boisvert. On sait que les deux chantiers Seaspan et Irving ont plus qu'assez de travail, même qu'ils en ont trop par rapport à ce qu'ils peuvent livrer.»

Davie a soumis, il y a deux ans, un projet pour convertir quatre brise-glaces commerciaux et les louer au gouvernement canadien pour combler les besoins de la Garde côtière à court terme.