La société Eurovia, filiale de la multinationale française VINCI, avale l'entreprise de construction Groupe TNT, l'une des plus importantes dans le monde des infrastructures de génie civil au Québec, a appris La Presse.

Selon des sources diverses, la transaction est en voie d'être conclue. Les quelque 900 employés du Groupe TNT en ont été avisés jeudi.

Cette transaction implique la prise de contrôle par des intérêts étrangers d'une expertise reconnue au Québec, en particulier le lucratif domaine des travaux d'asphalte. « La tendance vers de gros acteurs s'accentue », a noté une personne proche du dossier, qui a demandé de ne pas être identifiée afin de protéger ses affaires.

« Nous redevenons des porteurs d'eau. La commission Charbonneau aura sérieusement abîmé l'industrie québécoise du génie-conseil et nos entreprises de grands travaux civils », a commenté une autre personne issue de l'industrie de la construction, qui, elle aussi, a souhaité que l'on ne dévoile pas son nom pour éviter que son entreprise ne subisse des représailles.

La Presse a joint à l'étranger le président du Groupe TNT, Stéphane Gauthier, qui a refusé de commenter.

Chez Eurovia, le directeur des ressources humaines et responsable des communications, Benoît Pouliot, a commencé par nier quelque lien que ce soit avec TNT : pourparlers, entente de principe ou vente. Puis, M. Pouliot a déclaré, se défendant de jouer sur les mots : « On n'a pas fait l'acquisition pour l'instant. C'est tout ce que j'ai à vous dire sur le sujet. »

Le Groupe TNT est une filiale de Transelec Common (Groupe TCI) détenue par la famille Gauthier (le fondateur Claude Gauthier et son fils, Stéphane). En septembre 2014, Groupe TCI a acheté les principaux éléments d'actif du Groupe Hexagone (division des travaux municipaux et celle des grands travaux), ainsi que la carrière et les trois usines de production d'asphalte appartenant à Simard-Beaudry.

Au moment de l'achat, le Groupe Hexagone, constitué de cinq entreprises appartenant jusque-là à l'entrepreneur Tony Accurso, connaissait des difficultés financières importantes. Le président du conseil d'administration du Groupe Hexagone, Mario Bertrand, avait alors expliqué qu'il y avait un ralentissement important dans l'industrie dans la foulée de la commission Charbonneau et que, de surcroît, le gouvernement et les municipalités tardaient à payer les fournisseurs.

Joint hier soir, Tony Accurso, qui avait été mis au courant de la transaction jeudi, s'est dit « extrêmement déçu ».

Un an plus tôt, soit en 2013, Tony Accurso avait été forcé de vendre le coeur de son empire parce qu'il ne répondait pas aux exigences de la nouvelle Loi sur l'intégrité en matière de contrats publics. Les dirigeants, actionnaires et administrateurs doivent maintenant montrer patte blanche pour obtenir l'autorisation de soumissionner des contrats publics.

Or, deux entreprises de M. Accurso ont été reconnues coupables de fraude fiscale (4 millions en impôt fédéral) en 2010. M. Accurso est également accusé de fraude pour sa participation présumée dans des systèmes de partage de contrats (collusion) à Laval (Honorer) et Mascouche (Gravier).

Lors de la transaction qui a permis au Groupe TCI de mettre la main sur le Groupe Hexagone et des actifs de Simard-Beaudry appartenant aussi à Tony Accurso, VINCI s'était montrée intéressée.

La société française détient l'entreprise DJL dont il a été largement question à la commission Charbonneau. DJL, Sintra, Simard-Beaudry et Beaver Asphalte ont constitué un cartel de producteurs d'asphalte en 2000, a affirmé sous serment l'ancien directeur de Sintra, Gilles Théberge.

Eurovia a obtenu des contrats de la Ville de Montréal pour plus de 300 millions, au cours des quatre dernières années, et le Groupe TNT, au moins trois fois plus.