L'Américain Kraft Heinz, célèbre pour ses marques Ketchup, Grey-Poupon et Maxwell, a approché son concurrent anglo-néerlandais Unilever (Knorr, Bertolli, Ben and Jerry's, Rexona...) en vue d'une fusion qui créerait un mastodonte mondial, mais Unilever fait pour l'instant la fine bouche.

«Même si Unilever a décliné l'offre, nous espérons pouvoir conclure un accord sur les termes d'une transaction», s'est toutefois obstiné Kraft Heinz.

Pour Unilever, l'offre de Kraft est trop faible. Le groupe «n'y voit aucun avantage, qu'il soit financier ou stratégique» pour ses actionnaires. Mais son cours s'envolait de 11,83% à 3743,50 pence à 10h10, sur sa cotation londonienne. À New York le titre de Kraft Heinz montait de 7,56% à 93,88 dollars au même moment.

L'offre, selon Unilever est de 50 dollars par action, avec 30,23 dollars en numéraire en dollars et 0,222 action de la nouvelle entité ainsi créée pour chaque action Unilever, ce qui évalue le groupe à un total de 143 milliards de dollars.

Les deux groupes sont des mastodontes de la grande consommation, Kraft Heinz affichant un chiffre d'affaires annuel de 26,5 milliards de dollars et Unilever de 52,7 milliards d'euros (73,4 milliards de dollars).

Le groupe américain a confirmé vendredi «avoir fait une proposition globale» à son concurrent néerlandais face «aux récentes spéculations concernant une possible fusion de Kraft et Unilever».

L'idée serait de s'associer pour «créer une entreprise majeure de biens de consommation avec une croissance de long terme et des revenus durables».

Kraft Heinz est issu de la fusion en 2015 des groupes Heinz, célèbre pour son ketchup, et Kraft Foods (saucisses, fromages, cafés...) avec la bénédiction de leur actionnaire de contrôle respectif, les milliardaires américain Warren Buffett et helvético-brésilien Jorge Paulo Lemann à la tête du fonds d'investissement 3G.

À l'époque, certains analystes avaient spéculé sur une possible offre de Kraft Heinz sur Unilever, notamment pour se relancer à l'international.

Unilever, qui a dégagé en 2016 un bénéfice net en hausse de 5,5%, a aussi prévenu que le début de 2017 serait «lent» en raison de «conditions de marché difficiles». Le groupe, qui emploie 173 000 personnes dans le monde, doit notamment faire face au ralentissement économique minant les pays émergents.

Kraft, de son côté, a annoncé jeudi avoir dégagé en 2016 un bénéfice net de 3,6 milliards de dollars. Il avait inscrit l'année précédente de lourdes charges en raison d'un plan de restructuration prévoyant la suppression de 2600 emplois (environ 6% de ses effectifs) et la fermeture de plusieurs usines aux États-Unis. Le groupe emploie quelque 42 000 personnes.

Brexit

Le Brexit joue un rôle dans les manoeuvres d'approche de Kraft Heinz. «Une approche sur Unilever est un signe du renforcement du dollar et de la baisse de la livre», souligne Neil Shah, directeur de la recherche pour la firme Edison Research.

«Le cours de l'action d'Unilever est en baisse de 15% par rapport à ses plus hauts depuis le référendum britannique l'été dernier en raison d'inquiétudes sur la progression de ses ventes mondiales et le moment choisi par Kraft Heinz est opportuniste», souligne-t-il.

Un point de vue partagé par Naeem Aslam de ThinkMarkets à Londres. «Cela a beaucoup à voir avec le Brexit (...). Les prédateurs sentent le sang et la baisse de la livre donne aux entreprises dans le monde l'occasion de saisir les opportunités», souligne-t-il en ajoutant «nous ne pensons pas que Kraft Heinz va renoncer rapidement»'.

D'autant plus que le secteur est en phase de consolidation. L'Américain Mondelez (Lu, Côte d'Or) s'était ainsi fait éconduire l'an dernier par son compatriote Hershey, célèbre pour ses chocolats. Mondelez compte parmi ses actionnaires l'investisseur activiste Bill Ackman qui plaide pour un rapprochement avec...Kraft Heinz.