L'allemand Bayer et le géant américain des semences OGM ont confirmé jeudi discuter d'une éventuelle fusion entre eux, ce qui donnerait naissance à un poids lourd mondial des pesticides, engrais et cultures OGM.

«Les dirigeants de Bayer ont récemment rencontré les responsables de Monsanto pour discuter en privé d'une acquisition négociée de Monsanto», indique, dans un communiqué, le groupe allemand, après une semaine de rumeurs diverses.

De son côté, le fabricant américain du pesticide Roundup, contesté en Europe, a confirmé avoir reçu «une offre non ferme et non sollicitée de la part de Bayer» qu'il étudie actuellement.

«Il n'y a aucune certitude qu'une transaction aura bien lieu», insiste Monsanto.

Bayer, lui, indique qu'il communiquera davantage «quand ce sera approprié». En attendant les investisseurs voyaient clairement d'un mauvais oeil ce projet. À la Bourse de Francfort, l'action de Bayer, groupe déjà très lourdement endetté, chutait de plus de 8% en début d'après-midi.

Pourtant une telle fusion donnerait naissance à un géant l'agrochimie - pesticides, engrais et cultures OGM. Elle confirmerait également la consolidation d'un secteur déjà très fermé, avec la fusion en cours des américains Dow Chemical et DuPont et celle du suisse Syngenta avec le chinois ChemChina.

Syngenta avait au préalable rejeté les avances de Monsanto, qui après l'échec de ces discussions, s'est engagé dans une vaste restructuration, avec suppression d'emplois et fermetures de sites à la clé.

Pesticides décriés en Europe

Le groupe de Saint-Louis, dans le centre des États-Unis, connu notamment pour son herbicide Roundup, dont la substance glyphosate est actuellement controversée en Europe, souffre de la chute des ventes des semences transgéniques. Conséquence d'abord de la baisse des revenus des agriculteurs depuis quelques années, qui affecte la demande pour les outils agricoles, les engrais, les pesticides et les semences, mais aussi de l'appréciation du dollar qui rend les produits Monsanto chers pour les agriculteurs d'Amérique latine.

La division d'agrochimie de Bayer, dont les pesticides dits «tueurs d'abeilles» sont aussi décriés, a également souffert ces derniers mois.

Dans ce contexte, Peter Spengler, analyste chez DZ Bank, se dit «sceptique» face à ce projet de rapprochement, qui obligerait selon lui Bayer, dont la dette dépasse encore 16 milliards d'euros, à vendre d'autres activités comme sa division de santé animale pour boucler un hypothétique financement.

BASF aussi sur les rangs ?

Les discussions entre Bayer et Monsanto avaient été dévoilées dans la nuit de mercredi à jeudi par le Wall Street Journal, citant des sources proches du dossier. Des rumeurs relayées par Bloomberg News avaient déjà circulé la semaine dernière à ce sujet, faisant s'envoler l'action Monsanto et pesant au contraire sur celle de Bayer. Des bruits d'une éventuelle fusion de Monsanto avec un autre allemand, le géant BASF, avaient également couru sans jamais être confirmés.

Pour l'heure, ni Bayer ni Monsanto n'ont donné d'indice sur la somme mise sur la table.

La semaine dernière, Bloomberg News évoquait une proposition à 40 milliards de dollars.

Pour les analystes de Deutsche Bank, la direction de Monsanto rechercherait un prix d'environ 150 dollars par action, ce qui représenterait une énorme plus-value par rapport à son cours actuel d'environ 97 dollars. Ils jugeaient toutefois l'aboutissement d'une telle union peu probable d'abord en raison du prix, mais aussi à cause des vraisemblables réticences des autorités de la concurrence face à une fusion géante dans les pesticides, engrais et semences.

D'autant que le bilan financier de Bayer lui laisse «des capacités très limitées», avaient pour leur part estimé les analystes de Credit Suisse. La dernière grosse acquisition de l'allemand remonte à 2014 avec le rachat des médicaments sans ordonnance de l'américain Merck pour 10 milliards d'euros, un achat qui n'a pas complètement tenu ses promesses.

Inventeur de l'aspirine, Bayer a aussi connu d'importants changements ces derniers temps, avec la séparation de son activité de chimie plastique, mise en Bourse sous le nom de Covestro, et le départ prématuré de son patron, Marijn Dekkers.

Le nouveau patron, Werner Baumann, n'est aux manettes que depuis le 1er mai.