Une fois que le gros contrat est signé, une fois que l'importante acquisition est conclue, le vrai travail commence. Il faut exécuter le nouveau contrat sans faille, il faut intégrer parfaitement la nouvelle division. Tout ça en mijotant les prochaines étapes de la croissance de l'entreprise.

Ce sont les trois tâches qui se retrouvent tout en haut de la liste des choses à faire de Gilles Labbé, président et chef de la direction d'Héroux-Devtek.

Il y a un an, l'entreprise de Longueuil a signé un contrat avec Boeing pour la fourniture des trains d'atterrissage des appareils 777 et 777X. Il s'agissait du plus important contrat jamais décroché par Héroux-Devtek.

Quelques mois plus tard, l'entreprise a procédé à l'acquisition d'APPH, un manufacturier de trains d'atterrissage basé au Royaume-Uni.

«La première priorité, c'est de livrer le 777 à temps, a déclaré M. Labbé dans une entrevue avec La Presse Affaires. C'est très important. Il faut exécuter.»

Héroux-Devtek a entrepris de construire une usine dans la région de Seattle; elle a commencé à installer de l'équipement. Les livraisons doivent commencer au début de 2017.

«Nous avons un bon plan, nous suivons l'échéancier, nous suivons le budget, affirme M. Labbé. Boeing est très satisfaite.»

Il note qu'Héroux-Devtek n'a pas droit à l'erreur.

«Il y a des risques importants dans la conception, la fabrication, indique-t-il. L'attention au détail est essentielle.»

Héroux-Devtek doit également veiller à bien exécuter des contrats pour un bon nombre de nouveaux appareils, comme le Learjet 85, le 5X de Dassault ainsi que le Legacy 450 et le Legacy 500 d'Embraer.

L'intégration d'APPH suit aussi son cours.

«Je suis content, ça va bien, souligne M. Labbé. Le plus important, c'était de mettre la bonne équipe en place. Nous l'avons fait.»

Planifier la prochaine étape

Même si ces tâches sont accaparantes, Héroux-Devtek ne peut pas se permettre de faire du surplace.

«Ces priorités, ça n'empêche pas de réfléchir à une autre étape de croissance», indique M. Labbé.

Avec l'apport d'APPH et avec ce qui se profile à l'horizon en matière de contrats, Héroux-Devtek vise un chiffre d'affaires de 500 millions de dollars d'ici cinq ans.

L'entreprise n'est pas sur le point d'annoncer une autre acquisition, mais elle garde l'oeil ouvert.

«Nous avons des cibles, nous avons des contacts, nous les travaillons.»

Héroux-Devtek regarde du côté des manufacturiers de trains d'atterrissage, mais aussi des fabricants de produits complémentaires, comme les actuateurs, les fermetures de portes et les contrôles de vol.

«Ce sont des produits qu'on utilise avec les trains d'atterrissage, mais qui sont aussi utilisés avec d'autres systèmes, explique M. Labbé. Ce sont des produits qui demandent également beaucoup d'ingénierie et qui sont souvent propriétaires [protégés par un brevet ou un autre droit d'exclusivité]: ils amènent une grande stabilité de revenus.»

Avec l'acquisition d'APPH, la proportion de produits propriétaires de Héroux-Devtek passera de 13 à 27% de l'ensemble de ses produits.

«Nous aimerions que ce soit 100%, mais ce n'est pas réaliste, reconnaît M. Labbé. Mais avec le temps, nous pouvons faire passer cette proportion de 27 à 50%.»

Préparer la relève

La préparation des prochaines étapes passe également par un plan de succession à long terme. Il y a un mois, Héroux-Devtek a annoncé la nomination de Martin Brassard à titre de vice-président et chef de l'exploitation.

«C'est sûr que la société est très identifiée à moi, mais nous avons toute une équipe, explique le grand patron. C'est important de créer la relève.»

L'obtention du contrat du 777 et l'acquisition d'APPH au Royaume-Uni ouvrent justement des portes.

«Ça a mis beaucoup d'énergie dans l'entreprise, affirme M. Labbé. Nous avons beaucoup de jeunes hommes et de jeunes femmes qui travaillent chez nous. C'est leur futur.»

L'avenir, toutefois, passe aussi par l'automatisation.

«C'est comme ça qu'on peut être compétitifs, même si nous sommes en Amérique du Nord, indique le président d'Héroux-Devtek. Nous devons mettre en place une infrastructure et des processus très robustes au niveau manufacturier.»

Cette automatisation nécessite donc une solide force en ingénierie.

«Il y a moins de personnes sur le plancher, mais il y a des gars dans les bureaux qui réfléchissent, qui font fonctionner ça, qui contrôlent.»

M. Labbé s'enorgueillit de voir le Québec, avec sa faible population, tenir sa place au sein de l'industrie aéronautique mondiale.

«L'aéronautique est la plus grande industrie exportatrice au Québec, lance-t-il. Nous créons de la richesse, nous payons de bons salaires, nous apportons des dollars de l'étranger, pas en pompant du pétrole ou en creusant la terre, mais avec le cerveau de nos gens.»

Toujours aux commandes

Même si Héroux-Devtek s'est donné un nouveau chef de l'exploitation, Gilles Labbé demeure aux commandes.

«Ma stratégie, c'est de continuer à développer Héroux, confirme le président et chef de la direction. Je ne suis pas sur le point de partir, je veux voir la prochaine étape.»

Gilles Labbé fait partie d'Héroux-Devtek depuis 1978, alors qu'il était vérificateur externe. Il sortait alors de l'université.

Il s'est joint à l'entreprise en 1982. Trois ans plus tard, à l'âge de 29 ans, il a racheté Héroux avec d'autres dirigeants.

L'entreprise comptait alors quatre clients. M. Labbé s'est donc mis à la recherche de nouveaux clients à l'étranger.

«Je partais tout seul en classe économie, dans la queue de l'avion, je cognais aux portes.»

Maintenant âgé de 58 ans, le grand patron de l'entreprise de 272 millions de dollars visite moins souvent «la queue de l'avion».

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LES FORCES ET LES FAIBLESSES

Force: Pour Gilles Labbé, la grande force d'Héroux-Devtek, c'est sa flexibilité. «Nous sommes capables d'agir rapidement.»

Faiblesse: Héroux-Devtek oeuvre dans une industrie très cyclique. Gilles Labbé fait toutefois valoir que la diversification de l'entreprise l'aidait à faire face aux cycles. Le chiffre d'affaires d'Héroux-Devtek est divisé à parts égales entre le civil et le militaire, et entre l'équipement d'origine et les pièces de rechange.

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EN CHIFFRES

> Chiffre d'affaires (2014): 272 millions

> Bénéfice net: 9,2 millions

> Effectif: 1400 employés

> Installations: 13 bureaux et usines au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni