Le suédois Electrolux (ELUXY) a annoncé lundi l'achat du gros électroménager de General Electric (GE) pour 3,3 milliards de dollars, prenant un risque en augmentant sa dette et en se rendant plus dépendant du marché américain.

Le conglomérat américain GE, qui sort progressivement de la finance et se recentre dans l'industrie sur les branches où il entrevoit le plus fort potentiel (énergie, santé, aéronautique), réussit à céder une activité qu'il avait déjà tenté de vendre en 2008.

Il en tirera une modeste plus-value comptable, qu'il a chiffrée entre 0,05 et 0,07 dollar par action (quelque 500 à 700 millions de dollars au total).

Pour Electrolux, l'investissement est considérable, sachant que le groupe est surveillé par les agences de notation financière. «C'est la plus grande acquisition que nous ayons jamais réalisée», a rappelé lors d'une conférence téléphonique le directeur général, l'Américain Keith McLoughlin.

Quand elle sera effective, courant 2015 selon l'estimation des deux groupes, Electrolux passera d'un chiffre d'affaires de 17 milliards de dollars, où domine le gros électroménager en Europe, Afrique et Moyen-Orient (31% des ventes), à 22,5 milliards de dollars, où le gros électroménager en Amérique du Nord sera prépondérant (47%).

L'acquisition comprend cinq usines aux États-Unis, qui fabriquent réfrigérateurs et congélateurs, cuisinières, lave-vaisselle, machines à laver et sèche-linge, et appareils de climatisation. Electrolux aura le droit d'utiliser la marque GE, l'une des plus appréciées des consommateurs américains, et récupère Frigidaire, plus bas de gamme.

Electrolux prend aussi 48,4% de Mabe, fabricant mexicain d'électroménagers bien connu en Amérique latine, et qui par ailleurs y distribue l'électroménager GE.

Le suédois avance ainsi ses pions sur les terres d'un grand rival, l'américain Whirlpool.

L'ambition d'Electrolux a été bien accueillie par les investisseurs, l'action prenant 6,40% à 09H00 GMT à la Bourse de Stockholm, dans un marché en légère baisse (-0,16%).

Le premier actionnaire, la société d'investissement suédoise Investor (famille Wallenberg), qui détient 15,5%, l'a aussi saluée.

Le financement, point délicat

«Nous trouvons l'acquisition (...) attrayante d'un point de vue industriel et la soutenons complètement. L'acquisition renforcera considérablement la position d'Electrolux sur l'important marché américain et permettra une poursuite des investissements dans l'innovation et la croissance», a déclaré le patron d'Investor, Börje Ekholm, dans un communiqué.

Même si le marché américain est difficile, avec une concurrence foisonnante et des consommateurs habitués à des prix bas, Electrolux y a réalisé des performances plus satisfaisantes ces dernières années qu'en Europe.

«L'opportunité stratégique en l'occurrence est pour moi tout à fait évidente», a estimé M. McLoughlin, qualifiant GE Appliances de «tout à fait complémentaire en matière de segments (...) de canaux de vente, si on réfléchit aux endroits où ils sont forts et nous sommes forts, tout à fait complémentaires en termes de marques».

«Ils ont un réseau de distribution très performant, qui comprend quelque 110 noeuds ou points de distribution aux États-Unis. Ils peuvent acheminer un produit aux clients dans les 18 heures qui suivent une commande», a-t-il ajouté.

Le point le plus délicat reste le financement de l'opération et son incidence sur les comptes d'Electrolux.

Le suédois a conclu un emprunt relais auprès des banques allemande Deutsche Bank et suédoise SEB, qui doit ensuite être remplacé «par le marché des capitaux et un financement bancaire (pour environ 75%) et une émission de droits (environ 25%)». Electrolux n'a pas précisé quel type d'actions il créerait.

Le verdict des agences d'évaluation financière sera ici crucial. Electrolux est juste au-dessus de la catégorie «spéculative» et y tomber lui coûterait très cher. Standard & Poor's a déjà prévenu en août qu'il mettait la note «BBB+» sous surveillance négative, signalant ainsi qu'il pourrait l'abaisser.

«Nous sommes déterminés à garder la note en catégorie investissement. Et bien sûr pour aller sur le marché obligataire américain, il faut être en catégorie investissement», a souligné le directeur financier Tomas Eliasson.