La fusion projetée entre Lafarge et Holcim aura pour effet de reconfigurer le marché canadien du ciment, de la pierre concassée et de l'asphalte. Les deux géants européens ont en effet annoncé hier leur intention de se départir de Holcim Canada, anciennement connue sous le nom de Ciment St-Laurent.

Au Québec, Holcim Canada exploite une cimenterie à Joliette ainsi que plusieurs carrières, sablières, gravières et usines d'asphalte. L'entreprise, qui enregistre des revenus annuels de 1,3 milliard de dollars, possède aussi une cimenterie à Mississauga, en Ontario.

Tentant d'anticiper les demandes des autorités de la concurrence, les deux entreprises proposent également des cessions d'actifs importantes en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, au Brésil, en Roumanie, en Hongrie, en Autriche et en Serbie.

«Nous avons déjà reçu de nombreuses marques d'intérêt de la part d'un large éventail d'acheteurs potentiels industriels et financiers, a déclaré hier le PDG de Holcim, Bernard Fontana, au cours d'une téléconférence. Nous allons maintenant pouvoir commencer à discuter avec eux.»

Compte tenu de ces circonstances favorables, Holcim et Lafarge s'attendent à «extraire une valeur importante de ces cessions», a indiqué M. Fontana.

Les actifs mis en vente génèrent des ventes annuelles de quelque 3,5 milliards d'euros (5,1 milliards CAN), soit environ 11% du chiffre d'affaires combiné de Lafarge et de Holcim. C'est moins que les 5 milliards d'euros (7,3 milliards CAN) mentionnés par les dirigeants au moment de l'annonce de la fusion, en avril.

Ralentissement et surcapacité

Le Québec compte quatre cimenteries: celle de Holcim à Joliette, celle de Lafarge à Saint-Constant, celle de Ciment Québec à Saint-Basile (Portneuf) et celle de la société italienne Colacem à Grenville-sur-la-Rouge (Outaouais). Un autre groupe italien, Italcementi, détient 50% de Ciment Québec.

Il apparaît donc peu probable qu'une entreprise québécoise, voire canadienne, fasse l'acquisition de Holcim Canada. Les vendeurs pourraient toutefois se séparer de Holcim Canada par la voie d'un premier appel public à l'épargne à la Bourse de Toronto. Ciment St-Laurent a longtemps été cotée en Bourse, mais Holcim était l'actionnaire de contrôle.

En 2013, les ventes des filiales canadiennes de Holcim et de Lafarge ont reculé en raison du ralentissement de l'industrie de la construction au Québec et en Ontario.

Selon l'Association canadienne du ciment (ACC), l'industrie québécoise est actuellement en situation de surcapacité. L'an dernier, les quatre cimenteries de la province, dont la capacité totalise 3,7 millions de tonnes, ont vendu 1,7 million de tonnes de ciment au Québec et en ont exporté 700 000 aux États-Unis. Elles avaient donc une capacité inutilisée de 1,3 million de tonnes.

L'ACC, qui regroupe Lafarge, Holcim, Italcementi et Colacem, s'oppose farouchement à la construction d'une cimenterie à Port-Daniel-Gascons, en Gaspésie. Ce projet de 1,1 milliard de Ciment McInnis (famille Beaudoin-Bombardier) bénéficiera d'une aide financière de 350 millions de Québec et d'un investissement de 100 millions de la Caisse de dépôt et placement.

À noter que l'un des principaux actionnaires de Lafarge est le Groupe Bruxelles Lambert, copropriété de Power Corporation, société mère de La Presse.

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L'INDUSTRIE DU CIMENT

Holcim Canada en bref

> Revenus: 1,3 milliard

> Employés: 3000

> Cimenteries: 2

> Capacité de production de ciment: 3,3 millions de tonnes

Lafarge Canada en bref

> Revenus: 3 milliards

> Employés: 6000

> Cimenteries: 6

> Capacité de production de ciment: 5,8 millions de tonnes

Les cinq grands cimentiers mondiaux

1. Lafarge (France)

2. Holcim (Suisse)

3. CNBM (Chine)

4. Anhui Conch (Chine)

5. Heidelberg (Allemagne)