Les Français semblent se résigner à assister au démantèlement de l'une des plus importantes entreprises industrielles de l'Hexagone, Alstom, ce qui aura assurément des répercussions au Québec.

Après l'américain General Electric, qui a offert la semaine dernière 10 milliards d'euros (15 milliards CAN) pour la division énergie d'Alstom, voilà que l'allemand Siemens s'est invité dans les discussions en proposant de 10 à 11 milliards d'euros, dont une partie sous la forme d'un transfert à l'entreprise française d'une portion de ses activités ferroviaires. Le gouvernement allemand a tenu à apporter son appui à l'initiative de Siemens.

Le président François Hollande, qui a rencontré séparément hier les grands patrons de GE et de Siemens ainsi que le principal actionnaire d'Alstom, le magnat Martin Bouygues, ne s'est opposé à aucun des deux scénarios.

«Par rapport à ce dossier, je n'ai que ce seul critère: qu'est-ce qui sera le plus favorable à la création d'activité et à l'emploi en France?», a dit M. Hollande, avant d'ajouter que le maintien de «l'indépendance énergétique» du pays figurait également parmi ses préoccupations. Notons qu'Alstom est l'un des acteurs de l'industrie nucléaire française.

Le ministre de l'Économie, Arnaud Montebourg, s'en est toutefois pris à la proposition de GE, soutenant sur Twitter qu'elle «pose problème». «Nous préférons sortir renforcés de cette négociation pour créer un géant mondial made in France, a-t-il précisé. Un parallèle: soit on crée un Airbus de l'énergie et un des transports, soit c'est le rachat par Boeing.»

Des doutes

Or, justement, le numéro deux d'Airbus Group, Marwan Lahoud, s'est montré sceptique hier quant à la possibilité de créer des géants européens en permettant aux concurrents féroces que sont Siemens et Alstom d'échanger leurs actifs respectifs dans l'énergie et le matériel roulant. «Dans l'industrie, avant de se marier, on se fiance, et avant de se fiancer, on concubine», a-t-il estimé.

C'est sans compter que selon les analystes, les activités d'Alstom sont plus complémentaires avec celles de GE qu'avec celles de Siemens. Ces chevauchements pourraient se traduire par davantage de licenciements à terme, même si Siemens promet le statu quo en matière d'emploi dans les trois premières années suivant une transaction.

Mais les syndicats voient les deux offres de rachat comme une menace. Ils demandent à l'État d'investir dans le capital d'Alstom pour bloquer la voie à GE et à Siemens.

Or, l'État français n'a pas vraiment les moyens d'une telle intervention à l'heure actuelle. Le gouvernement vient de présenter un «plan d'économies» visant à sabrer pas moins de 50 milliards d'euros dans les dépenses publiques d'ici 2017.

Rappelons qu'en 2003, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Économie, avait empêché Siemens de mettre la main sur Alstom en investissant des fonds publics dans l'entreprise.

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LE MARCHÉ MONDIAL DES TURBINES

1. Siemens

2. General Electric

3. Alstom

4. Mitsubishi Heavy Industries