Remplacer le pétrole par des plantes pour produire le tableau de bord d'une voiture, une vitre en plexiglas ou un pneu: en mettant au point des produits jusqu'à présent cantonnés à la pétrochimie, la PME française Global Bioenergies se rêve en «Microsoft de la bioindustrie».



Cette jeune société basée à Evry, au sud de Paris, a été la première au monde à produire de l'isobutène d'origine végétale en 2009. Après s'être lancée en Bourse l'an passé, elle a annoncé début octobre être parvenue à produire du propylène sur le même principe.

Ces deux gaz aux noms savants ne signifient rien pour le commun des mortels, mais ils sont la source d'un long catalogue de produits de notre quotidien, des carburants aux caoutchoucs synthétiques en passant par un grand nombre de plastiques.

A lui seul, le marché mondial de l'isobutène dépasse les 20 milliards d'euros, celui du propylène les 70 milliards d'euros. Mais jusqu'à présent, ils étaient vus comme une chasse gardée de l'industrie pétrolière, car ils ne sont pas produits naturellement par des micro-organismes.

«En 2009, ça paraissait complètement impossible», se souvient Marc Delcourt, qui a cofondé la société avec Philippe Marlière, le biologiste qui se cache derrière les découvertes.

La recette? Au lieu d'hydrocarbures, utilisez du sucre (mélasses de betterave ou de canne, amidons de maïs ou de blé) et faites le digérer par des bactéries Escherichia Coli génétiquement modifiées pour le transformer en isobutène ou en propylène.

Dans son siège très moderne sur le Génopole d'Evry, au milieu de robots qui répètent à l'infini des tâches millimétrées et d'une forte odeur d'eau de javel destinée à tuer toute bactérie qui voudrait s'échapper, Global Bioenergies et ses 35 employés travaillent aujourd'hui à améliorer toujours plus le rendement du processus, mais aussi à produire d'autres gaz intéressants, comme le butadiène.

Vendre des licences sur les procédés

Un petit démonstrateur de production pouvant produire un kg de gaz par jour fonctionne déjà ici. Mais pour achever de convaincre les industriels, il va falloir en construire un beaucoup plus grand d'ici 2014.

Global Bioenergies, qui a déjà levé près de 15 millions d'euros depuis sa création il y a quatre ans, va devoir cette fois réunir «plusieurs dizaines de millions», estime M. Delcourt. Soit en Bourse, soit avec des fonds publics, soit avec des financements d'industriels.

Ensuite, la PME veut se rémunérer en vendant des licences sur ces procédés -10 millions d'euros de paiement et 2 à 5% du chiffre d'affaires pour une usine standard- sur le modèle d'un géant des logiciels.

«On se voit un peu comme le Microsoft de la biologie industrielle», explique Marc Delcourt.

Mais tout cela suffit-il à inventer un plastique «vert»? «Selon le type de ressources qu'on emploie, on réduit les émissions de gaz à effet de serre de 20% à 80%», fait valoir le jeune patron.

La mélasse non comestible de la canne à sucre brésilienne apparaît ainsi bien plus vertueuse que le maïs américain, et la recette pourrait un jour se décliner sur des sources non alimentaires comme les déchets ou le bois, souligne-t-il.

«Si on remplaçait tous les 100 kg de plastique des 75 millions de voitures produites chaque année dans le monde par du biosourcé, ça représenterait 2% des surfaces cultivées mondiales», calcule le chef d'entreprise.

«Je ne dis pas qu'il n'y a pas de question, mais j'ai l'impression que c'est envisageable. On a déjà des cultures non alimentaires. Le coton, c'est 2,5% des surfaces cultivées», souligne-t-il.

La PME française, qui a déjà décroché une option de licence avec «un grand industriel américain» et un accord avec «un constructeur automobile allemand», vise les grands chimistes (Dow Chemical, BASF, Arkema...) mais aussi les sucriers, les pétroliers, les fabricants d'emballages, d'automobiles ou de pneus.