Les deux plus grands groupes européens de l'aéronautique et la défense, EADS et BAE Systems, ont annoncé mercredi discuter d'une fusion qui créerait un géant mondial, rivalisant avec l'américain Boeing.

«BAE Systems et EADS confirment qu'ils sont en discussions à propos d'un possible rapprochement de leurs activités», ont indiqué les deux groupes après la fuite d'informations en ce sens.

La combinaison des activités du fabricant d'Airbus et de celui de l'Eurofighter créerait «un groupe d'envergure internationale avec des centres de production et d'excellence substantiels en France, en Allemagne, en Espagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis», poursuit le texte.

«Cela créerait une de plus grosses opérations d'aéronautique et de défense sur la planète et transformerait à jamais le marché européen de la défense», a commenté Guy Anderson, analyste en chef chez IHS Jane's.

Les deux groupes indiquent avoir entamé des discussions avec «une série de gouvernements», étant donné l'aspect «sensible» de leurs activités de défense «aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France, en Allemagne, en Espagne, en Arabie saoudite et en Australie entre autres».

Une éventuelle fusion restera suspendue aux accords d'un «certain nombre» d'autorités gouvernementales et de la concurrence, rappellent EADS et BAE qui se donnent jusqu'au 10 octobre pour annoncer une transaction ou y renoncer.

EADS compte parmi ses actionnaires les États français, allemand et espagnol, et le gouvernement anglais dispose d'une action de préférence dans le capital de BAE.

Londres a déjà réagi en annonçant qu'il veillerait à ce que les intérêts britanniques soient préservés. Paris n'a pas souhaité réagir, pas plus que Berlin ou Madrid.

Moyennant l'accord de ces autorités, «l'accord de fusion devrait être conclu en un peu moins d'un an», a indiqué une source proche du groupe. Les discussions ont commencé début juin dans le plus grand secret, a-t-elle ajouté.

«Devant Boeing»

«Un rapprochement placerait EADS/BAE Systems devant Boeing en termes de chiffre d'affaires, mais il est trop tôt pour dire de quelles activités la nouvelle entité devrait se défaire pour obtenir le feu vert des autorités de la concurrence», a commenté Guy Anderson.

EADS a été créé en 2000 en réunissant les actifs industriels de la France, de l'Allemagne puis de l'Espagne pour faire face aux géants américains.

Sous la pression du Pentagone qui voulait réduire ses dépenses après la fin de la guerre froide dans les années 90, l'industrie américaine venait d'opérer une série de fusions dont avaient émergé quelques grands acteurs, Boeing, Lockheed Martin, Northrop Grumman, General Dynamics et Raytheon.

Mais l'activité d'EADS restait largement dominée par les commandes civiles, portées par les succès d'Airbus, et le groupe s'était fixé pour but de parvenir à un équilibre entre civil et militaire à l'horizon 2020.

Une fusion avec BAE, qui fabrique aussi bien des blindés que des frégates et des porte-avions, permettrait d'atteindre d'un coup cet objectif et de pénétrer en force sur le marché américain, où BAE est fournisseur du Pentagone.

Selon les discussions en cours entre les deux groupes, le nouvel ensemble serait détenu à 60% par les actionnaires d'EADS et à 40% par ceux de BAE, précise le communiqué.

Les deux sociétés resteraient cotées respectivement à Paris et Londres mais seraient rassemblées sous la coupe d'un nouvel ensemble ayant une structure de direction unique.

Ils comptent par ailleurs attribuer des «golden shares» dans le nouveau groupe aux gouvernements français, allemand et britannique afin de «remplacer l'action existante au profit du gouvernement britannique dans BAE et le pacte d'actionnaires dans EADS».

Sur un plan purement financier, EADS versera 200 millions de livres (environ 252 millions d'euros) de dividende exceptionnel à ses actionnaires en cas de fusion avec BAE, précise le communiqué.

L'action de BAE Systems a bondi de 7,39% (à 353 pence) à la Bourse de Londres, alors que celle d'EADS décrochait de 5,63% (à 28 euros) à la bourse de Paris.

«D'une certaine façon, l'histoire se répète, a relevé M. Anderson. Le gouvernement Blair avait tenté de pousser British Aerospace dans les bras de l'industrie allemande à la fin des années 1990. Mais l'allemand DASA s'était allié avec le français Matra (qui venait de fusionner avec Aerospatiale) pour former EADS. British Aerospace, de son côté, s'était marié avec Marconi pour former BAE Systems».