L'industrie papetière nord-américaine continue d'avoir mauvaise mine aux yeux des investisseurs boursiers.

Mais, s'il faut en croire les analystes, il s'agit d'une perception passéiste qui risque de faire manquer des occasions d'investir dans des entreprises qui tournent la page.

Un de leurs exemples préférés ces temps-ci?

Domtar, une société papetière dirigée de Montréal qui, selon les analystes, prend les bonnes décisions pour déjouer le déclin de ses marchés.

«Domtar s'est donné une stratégie de croissance à long terme en dehors des créneaux traditionnels de la pâte à papier et des papiers d'impression d'affaires. Ses dirigeants ont pour objectif d'en tirer de 300 à 500 millions US de bénéfices d'exploitation additionnels d'ici cinq ans», a résumé l'analyste Sean Steuart, de Valeurs mobilières TD après les récents résultats de fin d'exercice 2011 de la société papetière.

Les analystes apprécient particulièrement la diversification entreprise par Domtar aux États-Unis et en Europe dans l'un des rares marchés du papier en croissance soutenue: les articles absorbants pour l'hygiène personnelle et les soins prolongés.

Domtar a réalisé deux acquisitions dans ce domaine depuis un an, qui lui ont coûté quelque 535 millions US en tout. Il s'agit des divisions nord-américaines et européennes de la société Attends Healthcare, d'origine américaine.

Avec ces achats, Domtar s'est positionnée dans un secteur prometteur - déjà 20% de marge bénéficiaire d'exploitation- dans un marché mondial évalué à 8 milliards US.

Ce marché des articles absorbants de soins personnels croît d'au moins 7% par an, en particulier dans les pays développés et à la population vieillissante. Le potentiel de ce marché est à peine entamé dans les pays émergents et populeux, en Asie notamment.

«Cette nouvelle division pourrait doubler ses résultats d'exploitation d'ici quelques années et s'avérer déterminante pour les futurs résultats de Domtar», a commenté Albert Kabili, analyste de l'industrie papetière chez Crédit Suisse à New York, après les derniers résultats trimestriels.

Les analystes apprécient par ailleurs le fait qu'en dépit du déclin de ses marchés traditionnels, Domtar continue d'augmenter sa compétitivité.

Le résultat: Domtar se retrouve avec des positions de marché avantageuses en Amérique du Nord alors que plusieurs concurrents continuent de dépérir.

Certes, Domtar n'a pu échapper au tassement des prix des papiers et de la pâte en fin d'année 2011, ce qui a affecté ses revenus et ses bénéfices à court terme. Sa bonne gestion d'usine et de commercialisation lui a toutefois permis de maintenir des marges bénéficiaires enviables dans l'industrie.

Dans les papiers d'affaires, «une marge de 21% au quatrième trimestre était relativement forte considérant la baisse des livraisons et des prix. C'est de bon augure pour Domtar lorsque le marché des papiers d'affaires se raffermira avec la relance de l'emploi aux États-Unis», selon Mike Richmond, vice-président et analyste en chef chez Salman Partners, une firme de Vancouver qui suit particulièrement les entreprises de matériaux de base.

Quant au marché de la pâte à papier, M. Richmond constate comme d'autres analystes que «Domtar continue d'opérer très efficacement» pour contrôler ses coûts de production par tonne.

Domtar devrait donc être en bonne position pour profiter rapidement d'un raffermissement des prix de la pâte à papier.

«Ce marché semble avoir franchi un tournant. Nous prévoyons un rebond des prix au cours des prochains trimestres», note M. Richmond dans son plus récent avis sur Domtar auprès de ses clients-investisseurs.

À la haute direction de la société papetière, on tente aussi de promouvoir le potentiel d'affaires durable de l'importante production de pâte à papier.

«Cette activité de 4,3 millions de tonnes par an n'est tout de même pas près de disparaître!» a insisté le président et chef de direction de Domtar, John D. Williams, lors de la téléconférence trimestrielle avec les analystes.

«En fait, il s'agit d'un moteur d'affaires que nous gérons de façon stratégique afin d'en tirer le plus de valeur possible. Nous avons fait des choix judicieux jusqu'à maintenant pour contrer le déclin de la demande et développer des activités rentables. C'est ce qui différencie Domtar dans l'industrie.»

Pour l'analyste Paul Quinn, de Marchés des capitaux RBC, «c'est intéressant de constater qu'un grand nombre d'investisseurs croient que la principale activité de Domtar, les papiers d'affaires, est en voie d'extinction d'ici 20 ans.

«Ces investisseurs à courte vue sous-estiment le fait que même en cas de déclin irréversible du marché des papiers d'affaires, Domtar aura encore une solide base de production de pâte pour développer d'autres débouchés.»

C'est dans ce contexte que Domtar accumule les avis positifs parmi les analystes qui suivent l'industrie papetière en Amérique du Nord.

Leur recommandation d'achat est deux fois plus importante que celles de «conserver» ou de «vendre», selon le relevé de l'agence d'information financière Bloomberg.

De plus, au-delà de la bonne performance d'affaires de Domtar parmi ses pairs, les analystes notent favorablement sa politique de distribution à ses actionnaires.

Cette distribution se fait à deux niveaux: par l'augmentation du dividende et des rachats d'actions considérables.

Au cours de l'exercice 2011, Domtar a ainsi remis à ses actionnaires l'équivalent des deux tiers de ses fonds générés excédentaires.

Les dirigeants de Domtar se sont engagés à maintenir une telle distribution pour l'avenir prévisible.

Pour l'analyste montréalais Benoît Laprade, de Banque Scotia Marchés des capitaux, cet objectif de Domtar s'annonce payant pour ses actionnaires.

Il anticipe des fonds générés disponibles de l'ordre de 475 millions US pour chacun des exercices 2012 et 2013.

«Ça soutiendra les objectifs de Domtar en matière de dividende et de rachat d'actions tout en lui laissant la flexibilité d'investir et de faire des acquisitions», a indiqué M. Laprade dans son rapport après les résultats trimestriels de Domtar.