La chaîne d'approvisionnement mondiale aura de la difficulté à suivre l'augmentation de la cadence de production chez les grands avionneurs. Selon une étude de PricewaterhouseCoopers (PwC), 21% des fournisseurs qui participent à 12 grands programmes de l'aéronautique et de la défense, comme le Boeing 787, l'Airbus A350, la CSeries de Bombardier et le F-35 de Lockheed Martin, ne sont pas prêts à faire face à la musique.

Il s'agit de capacité disponible, mais aussi de moyens financiers.

«Il s'agit de voir ce que ces gens-là ont comme argent de libre pour faire face à l'augmentation de l'inventaire et à l'augmentation des investissements nécessaires pour la machinerie ou autre, a déclaré le responsable de l'équipe de l'aérospatiale et de la défense de PwC au Canada, Mario Longpré, dans une entrevue téléphonique avec La Presse Affaires. C'est un gros enjeu en ce moment dans l'industrie.»

Airbus et Boeing ont enregistré des commandes records au cours de la dernière année et se retrouvent maintenant avec des calendriers de production qui couvrent les huit prochaines années.

«Bombardier est encore à l'étape de la prise de commandes, que ce soit au niveau de la CSeries ou des avions régionaux, mais elle finira par être affectée par les mêmes problèmes parce que certaines composantes ne sont pas manufacturées par beaucoup de fournisseurs et parce qu'il y a souvent des fournisseurs qui sont communs à Airbus, Boeing et Bombardier», a indiqué M. Longpré.

Bombardier doit donc surveiller de près ce qui se passe chez ses fournisseurs, et chez les fournisseurs de ceux-ci.

«Ça en prend juste un qui brise la chaîne, qui ne peut pas livrer une pièce, pour retarder le développement ou la livraison d'un avion, a souligné M. Longpré. Or, Bombardier a déjà mangé le surplus de temps qu'elle avait provisionné [pour faire face à des délais éventuels].»

Airbus et Boeing ont parfois dû acquérir un fournisseur fragile pour reprendre les choses en main et minimiser les risques. Les problèmes qui se pointent dans la chaîne d'approvisionnement pourraient donc favoriser les acquisitions au cours des années à venir.

L'année 2011 a d'ailleurs fracassé les records en ce qui concerne les fusions et acquisitions dans l'industrie de l'aérospatiale et la défense. Dans un rapport, PwC a recensé 341 transactions à l'échelle mondiale, d'une valeur de 43,7 milliards US. L'année 2010 avait donné lieu à 332 transactions, d'une valeur de 21,9 milliards US.

PwC s'attend à ce que 2012 soit également active, notamment en raison de la différence de rythme entre l'aéronautique civile, qui se prépare à de fortes augmentations de cadences de production, et la défense, qui doit faire face à la réduction des budgets militaires d'un grand nombre de pays, à commencer par les États-Unis.

«Nous nous attendons à ce que les acteurs de la défense cherchent à diversifier leurs activités et à venir du côté commercial», a déclaré M. Longpré.

Héroux-Devtek, qui fabrique diverses composantes pour des avions civils et militaires, pourrait ainsi intéresser une entreprise de la défense qui voudrait se diversifier.

«Les entreprises québécoises, ce sont de belles compagnies, ce sont des fleurons de l'économie locale, mais il y a de très grosses sociétés aux États-Unis, a rappelé M. Longpré. Pour elles, c'est une bouchée de pain.»