Des routes en réfection, des ponts à refaire et des immeubles qui poussent comme des champignons. L'industrie du ciment, on dirait, est dans une période faste.

Ce n'est pas tout à fait le cas, selon son porte-parole, Baudouin Nizet, qui est aussi premier vice-président pour l'est du Canada de Holcim, une des trois cimenteries établies au Québec.

Les nombreux chantiers en cours donnent une image trompeuse de la réalité de l'industrie, explique-t-il lors d'un entretien avec La Presse Affaires. «On n'est pas en plein boum. La consommation de ciment au Québec est même en baisse de 2% cette année comparativement à 2010», précise-t-il.

C'est la réduction des activités dans la construction résidentielle qui fait le plus mal à l'industrie, selon M. Nizet. Ce secteur absorbe généralement 40% du ciment (un ingrédient essentiel à la fabrication du béton) produit à Joliette (Holcim), Saint-Constant (Lafarge) et Saint-Basile (Ciment Québec).

Ces trois cimenteries ont une capacité de production de 3 millions de tonnes, alors que la demande totale est actuellement d'environ 2 millions de tonnes. Le marché américain, qui absorbait traditionnellement une bonne partie de cette production supplémentaire, s'est refermé avec le ralentissement économique qui perdure au sud de la frontière.

Reste les provinces maritimes, qui continuent d'acheter du ciment «made in Quebec».

GES

Ces jours-ci, toutefois, c'est moins la conjoncture économique que le projet du gouvernement du Québec d'imposer un système de plafonnement et d'échange de droits d'émission de gaz à effet de serre (GES) qui inquiète l'industrie du ciment.

Les cimenteries sont un des principaux émetteurs de GES visés par l'initiative du gouvernement Charest, dont le but est de réduire les émissions polluantes en faisant payer ceux qui les émettent.

Selon Baudoin Nizet, l'industrie n'est pas contre ce système qui doit mener à la création d'un marché du carbone en Amérique du Nord. Le problème, c'est que le Québec est pour le moment la seule province au Canada à imposer ces normes. «Ça risque de miner la productivité de notre industrie», estime le porte-parole.

Déjà, l'augmentation du dollar canadien a réduit les marges de profit que ces entreprises en majorité étrangères tirent de leurs activités en sol québécois. «Si le Québec impose un prix pour les émissions des entreprises d'ici, ça ne peut que favoriser l'importation de ciment fait ailleurs, là où de telles normes n'existent pas», explique Baudoin Nizet.

Vert béton

Pour aider sa cause, l'industrie fait actuellement la promotion d'un ciment «vert», le Contempra, produit avec 10% de moins d'énergie que le ciment conventionnel et qui conserve des propriétés équivalentes.

La fabrication du ciment, qui exige de chauffer les matériaux à 1500 °Celsius, est très énergivore. Les entreprises tentent de réduire leur facture énergétique en utilisant des sources alternatives, comme les pneus et autres résidus. Actuellement, ces énergies alternatives comptent pour 25% de l'énergie utilisée par les cimenteries et le reste provient de sources conventionnelles (charbon, coke de pétrole, gaz naturel).

Selon Baudouin Nizet, il est encore possible d'augmenter la part des énergies alternatives dans la production de ciment. En Suisse, par exemple, elle est de 50%, illustre-t-il.

L'utilisation de pneus usagés comme combustible est toutefois controversée, à cause justement de ses impacts environnementaux. À Terre-Neuve, où une montagne de pneus usagés s'est accumulée, la population s'est opposée à ce que la papetière Kruger les utilise comme combustible dans son usine locale. Finalement, les pneus terre-neuviens devraient être transportés au Québec, où ils seront brûlés dans les cimenteries de Holcim et de Lafarge.

Entre 1990 et 2010, l'industrie du ciment affirme avoir réduit ses émissions de GES de 6%. Avec le ciment Contempra et la poursuite des efforts pour utiliser davantage les sources d'énergie parallèles, elle pourrait diminuer encore de 5% ses émissions polluantes d'ici 2015, selon son porte-parole.