Jeudi, la designer Mariouche Gagné présentera sa nouvelle collection de vêtements, chapeaux et accessoires au magasin Ogilvy. Elle est fébrile. Et ce, même si elle entretient de bons liens d'affaires avec le magasin haut de gamme du centre-ville de Montréal.

Cette fois, ce n'est pas toute la créativité hivernale de la griffe Harricana qu'elle dévoilera, mais une nouvelle ligne quatre saisons. «Je vends des produits d'hiver chez Ogilvy depuis 12 ans, raconte Mariouche Gagné. Mais on pourrait me dire non, cette fois. C'est comme si j'y allais pour la première fois.»

Dans l'espoir de contourner un creux annuel en revenus de cinq mois, Harricana propose cette année une collection qui n'est pas absolument hivernale. Chemises, petits foulards triangulaires, chapeaux pour protéger davantage du soleil que du froid, sacs et vestes arborant une fine couche de fourrure... Le tout, encore et toujours conçu dans des matériaux recyclés chic, marque de commerce de Harricana. «On a rasé la fourrure très court, explique la designer. Ça ressemble à du Harricana, mais moins poilu! On a gardé l'ADN de la marque.»

Portera-t-on du Harricana en juillet? «Je commence à admettre qu'on ne sera jamais vraiment été, répond Mariouche Gagné. Mais qu'on ne sera plus que -30 °C. Il y a quelques mois, le journaliste Jean-Paul Cauvin m'a dit: «Assume ta fourrure». Trouve ce que portent les Amérindiens l'été. Prends ce que tu as de plus fort l'hiver et essaie de la flipper l'été.»

La collection quatre-saisons Harricana est déjà tombée dans l'oeil d'un acheteur en Suisse et d'un autre en station de ski aux États-Unis. «Mais ce n'est pas encore énorme», affirme Mariouche Gagné qui espère, grâce à celle-ci, ajouter 200 000$ à son chiffre d'affaires.

À l'aube de ses 18 ans, la griffe Harricana est à un tournant. Elle le doit à une designer qui vient d'en avoir 40 et qui espère donner un levier extraordinaire à son bébé déjà fort estimé dans une quinzaine de pays (250 points de vente). D'ici 2014, Mariouche Gagné aimerait faire tripler son chiffre d'affaires et augmenter le nombre d'employés à temps plein de 15 à 30.

Ce nouvel élan passe notamment par le réaménagement de la boutique phare de Harricana (conçu par Saguez&Partners), sur Saint-Antoine Ouest, à Montréal. Là où sont situés les ateliers de fabrication de l'entreprise, les milliers de pieds carrés de fourrure qui servent à concevoir ses collections et le nouvel Économusée, ouvert en pleine Semaine de mode de Montréal, qui raconte l'histoire de la griffe, née dans un vieux manteau de fourrure de la mère de la designer!

Le nouvel espace représentera davantage ce à quoi fait écho la marque, tant pour les gens d'ici que d'ailleurs: la culture amérindienne, le bois, la vie à l'extérieur, la cabane au Canada... Au blanc des murs extérieurs et intérieurs se substitueront une façade noire, un plancher d'accueil partiellement en bois et un toit vert, notamment. On y retrouvera également un espace de création sur mesure plus chaleureux.

La transformation est évaluée à 300 000$. Elle donnera un canevas de boutique pour l'international. «On m'a demandé d'ouvrir des boutiques en Suisse, en Allemagne et en Russie, affirme Mariouche Gagné. En ce moment, je vends ce que je réussis à standardiser. On ne peut dessiner et transformer la matière aux Galeries Lafayette, par exemple. L'idée est de reproduire en plus petit tout ce qu'on a développé ici.

«J'aimerais avoir tout terminé au milieu de l'été prochain pour commencer à faire venir des partenaires internationaux», ajoute-t-elle.

Celle qui a conçu sa toute première collection sur une machine à coudre de l'usine de chaussures Marchildon, la nuit, fonce plus que jamais. «En tant qu'entrepreneure, on se fixe beaucoup d'objectifs, raconte Mariouche Gagné. Quand j'ai démarré la marque, à 24 ans, j'avais l'impression que je serais rendue beaucoup plus loin aujourd'hui. Mais bâtir une marque, c'est long. Surtout quand on se donne le défi de le faire entièrement ici, pas en Chine. Là, j'ai acquis des connaissances. Il faut que ça commence à me rapporter.»