Pour un troisième mois d'affilée, les ventes des manufacturiers canadiens ont reculé en juin. Heureusement, quelques indicateurs encourageants en provenance des États-Unis esquissent un possible léger redressement.

La valeur des livraisons des usines a reculé de 1,5% de mai à juin pour s'élever à 45,3 milliards de dollars, a indiqué hier Statistique Canada. Il s'agit de leur niveau le plus faible depuis novembre.

La faiblesse était généralisée puisque 15 segments sur 21 ont reculé.

Plus de la moitié de la baisse (412 millions sur 713 millions) vient des faibles ventes des produits du pétrole et du charbon, troisième segment en importance après la transformation alimentaire et le sous-groupe du matériel de transport. Leur repli s'explique autant par un recul des prix que par de plus faibles volumes d'expéditions, attribuables à des fermetures d'usines pour fins de réoutillage. Un rebond des volumes de livraisons est vraisemblable avec leur remise en état.

La baisse de 6,3% des livraisons de produits aérospatiaux explique en bonne partie le repli de 1,6% de la valeur des ventes des usines québécoises.

Trois reculs mensuels d'affilée font un trimestre en repli de 7,4% sur une base annualisée. «Il s'agit de la première contraction trimestrielle depuis le printemps 2009», le dernier de la récession, fait remarquer Derek Holt, économiste principal chez Scotia Capitaux.

Exprimées en volumes, les ventes se sont aussi repliées de 1,6% de mai à juin et elles auront gravement freiné la croissance de l'ensemble de l'économie qui pourrait même avoir été négative au printemps.

Ce qui inquiète tout autant, c'est le ratio des stocks sur les ventes. À hauteur de 1,39, c'est le plus élevé depuis décembre 2009. «La hausse du ratio stocks\livraisons est un mauvais signe pour la production à moyen terme et les perspectives de la fabrication au Canada demeurent incertaines à cause de la faiblesse de la croissance des États-Unis et de la force du dollar canadien», s'inquiète Krishen Rangasamy, économiste principal à la Banque Nationale.

Sur ce front, les nouvelles étaient un brin encourageantes, hier. Outre les faits que le huard s'est un peu replié, la Réserve fédérale annonçait que la production industrielle américaine avait avancé de 0,9%, de juin à juillet, soit beaucoup plus que les attentes des investisseurs.

La fabrication de véhicules a bondi de 5,2% avec le retour à la normale des approvisionnements en provenance du Japon. «C'est une récupération quasi complète des trois mois précédents», souligne Brian Jones, économiste chez Société générale, basée à New York.

On peut espérer que l'Ontario aura connu la même poussée. Dans l'ensemble, les livraisons manufacturières qui représentent les trois quarts de la production industrielle américaine ont progressé de 0,9%, poussant le taux d'utilisation des capacités à 77,5%, le niveau le plus élevé depuis août 2008.

«Ces données soutiennent l'hypothèse que la croissance reprend au troisième trimestre», se réjouit Avery Shenfeld, économiste en chef adjoint chez CIBC.

La production industrielle américaine a aussi profité des vagues de chaleur qui ont accru la consommation d'électricité aux fins de climatisation.

Ces données ont de quoi encourager les fournisseurs canadiens des usines américaines. Toutefois, il n'y a pas d'automatisme, comme en fait foi la baisse de plus de 9% des commandes en carnet des premiers transformateurs de métaux.

Difficultés chez les partenaires canadiens

L'augmentation de la valeur des commandes en carnets (3,4%) et des nouvelles commandes (1,6%) est surtout concentrée dans le secteur des produits aérospatiaux, précise Statistique Canada.

Cette faiblesse de l'industrie manufacturière canadienne amène le Conference Board à prédire une baisse de sa rentabilité en deuxième moitié d'année.

Son indicateur avancé de la rentabilité industrielle connaît ce mois-ci un premier recul, bien que léger, en un an. Plusieurs industries comme le bois, les produits chimiques, les pièces d'auto et la machinerie pointent vers le bas, note Lin Ai, économiste à l'institut de recherches basé à Ottawa. «Les difficultés économiques des partenaires commerciaux du Canada aux États-Unis et en Europe ont des effets réels sur les entreprises canadiennes.»

L'agence de notation Moody's fait un peu le même constat. «Même si les fabricants nord-américains ont réalisé une croissance moyenne de 15% de leurs bénéfices d'exploitation (avant impôt, intérêt et amortissement), nous nous attendons à une chute dramatique sous la barre des 3% d'ici le milieu à la fin de 2012», lit-on dans une note publiée hier.

Moody's traite le secteur manufacturier nord-américain comme un bloc homogène, ce qui l'amène à affirmer que les usines ont su garder leurs stocks à des faibles niveaux, un facteur positif.

Les données publiées hier par Statistique Canada lui donnent tort, en ce qui concerne nos usines.

La Presse

Très mauvais trimestre pour les usines.Livraisons réelles des usines (variation désaisonnalisée trimestre sur trimestre en %)Zones ombrées = récessions américaines.Légende en fin de graphe: T2 2011:Pire recul trimestriel pour les usines canadiennes hors récessions aux États-Unis.