Derrière les exploits des Thomas Voeckler et autres Andy Schleck du Tour de France se cache une myriade de fabricants qui rivalisent pour vendre leurs produits. L'industrie du vélo est aussi bien vivante au Québec, où le manufacturier Louis Garneau profite du Tour pour s'offrir une visibilité internationale pendant que les nombreux concepteurs de vélos haute performance ont le vent dans le dos.

Au Québec, ils s'appellent Argon 18, Guru, Marinoni, Opus, de Vinci, Louis Garneau. Ils conçoivent des bolides à pédales dont les prix frôlent parfois ceux des voitures. Et font de bonnes affaires malgré la concurrence de géants étrangers beaucoup plus imposants qu'eux.

Avis aux cyclistes qui attendraient l'automne pour acquérir au rabais un vélo québécois Argon 18: vos chances sont minces.

«J'ai déjà des modèles qui sont sold-out. C'est sûr que pour nous, en tant que fabricant, il n'y aura pas de liquidation à la fin de l'été. Et le son de cloche qu'on a des détaillants, c'est que ça sort bien aussi», dit Martin Rioux, vice-président de la boîte de 23 employés.

Comme plusieurs entreprises québécoises, Argon 18 dessine ses cadres de vélo au Québec, puis les fait fabriquer en Asie. La compagnie assemble ensuite les roues, freins et autres composantes dans ses ateliers. Le modèle le moins cher se détaille à 1750$. Le plus cher dépasse les 10 000$.

Selon M. Rioux, les ventes sont en hausse de 20 à 25% par rapport à l'an dernier. Et malgré un printemps pluvieux, l'entreprise compte voguer vers une année record.

«Le vélo de route, c'est un segment qui va très bien chez nous. On a des croissances de 5 à 10% chaque année» dit aussi Félix Gauthier, président de Cycles de Vinci, un fabricant de Chicoutimi qui fait autant des bombes en carbone que des vélos hybrides. Outdoor Gear Canada, un distributeur de pièces de bicyclette, a lancé sa propre marque de vélos, Opus, en 2001. Là aussi, les affaires sont en plein essor. L'entreprise a lancé quatre nouveaux modèles de vélo haute performance cette année. À la fin juin, le segment des vélos de route était en avance de 47% par rapport à l'an dernier.

«Le vélo a bonne presse. Le Grand défi Pierre Lavoie, la course contre le cancer, notre propre cyclosportive pour Les petits frères des pauvres... presque chaque fin de semaine, il y a un événement», note Louis Garneau, fondateur de l'entreprise du même nom, pour expliquer l'engouement.

Chez Marinoni, un nom bien connu des cyclistes québécois depuis les années 1970, on observe aussi le phénomène...mais on ne s'énerve pas avec la croissance.

L'an dernier, le fabricant a produit 850 vélos, à peu près le même volume que l'année précédente.

«Est-ce qu'on pourrait en vendre plus si on en faisait plus? Il faudrait voir. Mais la quantité n'a jamais été la motivation ici. On est satisfait de ce qu'on fait», dit Paulo Marinoni, le fils de l'ancien coureur Giuseppe qui a lancé l'entreprise.

Avec le petit fabricant de Bromont XPrezo, Guru est le seul manufacturier québécois à fabriquer tous ses cadres au Québec. Ses produits se vendent tels quels, sans roues ni composantes, à des prix allant de 2000 à 5300$.

Plus des trois quarts des produits prennent le chemin des États-Unis, où le ralentissement économique cause quand même certains problèmes à l'entreprise.

«Compte tenu des percées et de la ligne de vélos qu'on a, on s'attendait à une meilleure saison que l'an dernier. Mais ce n'est pas le cas», admet Yorick Caron, représentant des ventes.

Résister aux géants

Comment expliquer un tel foisonnement de marques québécoises? Et comment celles-ci résistent-elles aux géants américains Trek et Specialized ou au manufacturier taïwanais Giant?

Jacques Sennéchael, rédacteur en chef du magazine Vélo Mag, explique la chose par l'attachement des cyclistes locaux pour les marques québécoises, et par le fait qu'ils soient prêts à payer un peu plus pour un vélo qui a une «personnalité».

«Guru mise sur son carbone fait maison. Mariononi a fait sa marque avec ses vélos sur mesure en acier. Et si j'achète un Argon 18, je sais que c'est Gervais Rioux (NDLR: un ancien coureur qui a fondé l'entreprise), je sais que j'aide des athlètes canadiens à rouler. Chacun a sa particularité», observe M. Sennéchael, qui note aussi que les cyclistes québécois sont particulièrement friands de luxe.

«Par rapport aux Italiens ou aux Français, les Québécois ont des vélos beaucoup plus haut de gamme. Les gens sont prêts à payer des fortunes pour gagner des dizaines de grammes.»

Selon lui, les entreprises québécoises pourront résister aux géants étrangers tant qu'elles parviendront à se distinguer et à conserver leur qualité.

«Le défi, dit-il, sera d'éviter de copier bêtement ce que les autres font.»