À cause de sa fraîcheur et de sa durée de vie très courte, le yogourt n'est pas le produit le plus facile à vendre à l'échelle mondiale. Et pourtant.

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L'industrie du yogourt est fortement concentrée entre les mains de géants industriels dont l'appétit pour de nouveaux marchés n'a pas de limites. Et ça joue dur au royaume des petits pots.

La mise en vente de 50% des actions de Yoplait détenue par le fonds d'investissement européen PAI Partners nous donne une petite idée du phénomène.

Yoplait est le second producteur mondial, derrière une autre entreprise française, Danone, leader incontesté du yogourt. La mise aux enchères de la moitié de Yoplait a attiré une dizaine d'acheteurs des quatre coins du monde, et pas n'importe lesquels. Le Suisse Nestlé, l'Américain General Mills, le Mexicain Lala s'y intéressent, de même que le Chinois Bright Food, qui aurait fait la plus importante offre, ce qui n'est pas vraiment une surprise.

Selon la presse européenne, les Chinois seraient prêts à payer 1 milliard d'euros pour la participation de 50% que PAI aurait acquise en 2002 pour 270 millions d'euros.

Les Français craignent de voir le contrôle d'un fleuron de leur économie leur échapper, mais ils peuvent compter sur leur gouvernement qui a déjà assuré qu'il veille au grain. En réalité, ils n'ont pas de quoi s'inquiéter.

Les produits frais comme le yogourt doivent être fabriqués dans le marché où ils sont vendus, parce qu'ils voyagent mal sur de longues distances. C'est ainsi que le Yoplait consommé au Québec est fabriqué sous licence par Agropur à son usine de Granby avec le lait des vaches québécoises. Quant à Danone, elle brasse le sien à Boucherville.

La coopérative de producteurs laitiers Sodiaal, qui détient l'autre part de 50% de Yoplait, est donc assurée que son lait continuera d'être transformé en yogourt pour le marché français, peu importe l'issue de la transaction.

Le yogourt voyage peut-être mal, mais ses producteurs n'ont pas peur des distances. Avec Yoplait, les Chinois rayonneraient partout dans le monde en plus d'avoir des outils pour faire progresser l'industrie laitière et la consommation de yogourt chez eux.

Danone, l'autre géant français, vient d'envahir le marché russe avec une entreprise locale, Unimilk, et continue d'accroître sa présence sur le marché américain en avalant des marques comme Stonyfield.

Même si son avenir est en suspens, Yoplait magasine de son côté et a acquis un peu avant Noël un fleuron québécois, les yogourts Liberté, qui viennent enrichir son portefeuille de produits.

Pour le Québec, cette transaction est plus importante que l'autre, qui scellera la propriété de Yoplait sur le plan mondial. Avec Liberté, Yoplait a une autre possibilité de faire fabriquer son yogourt pour le marché québécois. La licence qui lie Yoplait et Agropur depuis 40 ans doit être renouvelée en 2013. L'occasion est belle pour Yoplait de mettre Liberté et Agropur en concurrence pour tirer plus de profits de son partenariat.

Et c'est tout à fait ce qui se passe. Agropur craint de perdre son contrat avec Yoplait et est obligée de penser à mettre sur le marché sa propre marque de yogourt, laquelle devra concurrencer celles de Yoplait et Danone. Les 500 employés de l'usine de Granby ont vraiment des raisons de s'inquiéter.

En attendant l'issue de ces discussions, Yoplait doit se choisir un propriétaire parmi la petite foule de prétendants qui se sont manifestés.

À première vue, les Chinois semblent avoir une longueur d'avance. Et pas seulement parce qu'ils seraient prêts à payer plus. Bright Food offre à Yoplait le potentiel de croissance le plus intéressant, parce que la consommation de yogourt, actuellement plus modeste qu'ailleurs dans le monde, est en forte augmentation. C'est un argument de poids, mais qui ne sera peut-être pas suffisant pour que les Français laissent les Chinois mettre la main sur Yoplait.