La hausse vertigineuse du prix du coton en 2010 n'a pas fait qu'augmenter le prix des chemises. Elle a aussi fait des heureux à Témiscaming, au Québec.

Le prix de la pâte à usage textile fabriquée par Tembec à son usine de Témiscaming s'est aussi envolé l'année dernière. C'est que les prix élevés du coton ont poussé les fabricants de vêtements à remettre au goût du jour la rayonne, fabriquée à partir de ce type de pâte.

Pour Tembec, qui sort d'une longue et douloureuse restructuration, ce nouvel engouement du marché pour un de ses produits est une bonne nouvelle. Et aussi un paradoxe. «Ça fait 25 ans que je suis chez Tembec et ça fait 25 ans qu'on essaie de sortir de ce secteur», soupire Michel Dumas, vice-président à la direction et chef des finances de l'entreprise.

L'embellie récente n'a pas changé la stratégie de l'entreprise, qui est de fabriquer des pâtes à usages plus spécialisés, qui se vendent à des prix plus élevés, assure-t-il.

La pâte à usage textile, aussi appelée pâte dissolvante, fait pour l'heure le bonheur des producteurs, parmi lesquels on retrouve aussi Fortress Paper, de la Colombie-Britanique, et l'américain Rayonier.

Mais ça pourrait bien ne pas durer, parce que le marché du coton est très volatil.

«Il suffit d'une bonne récolte de coton, cette année, et les prix vont tomber», explique Michel Dumas.

Les prix élevés de ce type de pâte attirent aussi d'autres producteurs, ce qui fera augmenter l'offre et baisser les prix. Fortress Paper vient de racheter l'usine abandonnée par Papiers Fraser, à Thurso, dans l'Outaouais québécois, avec l'intention de produire de la pâte qui sert à faire de la rayonne.

Tembec, de son côté, n'est pas considérée comme un gros producteur de pâte à usage textile. L'entreprise en produit 300 000 tonnes à ses usines de Témiscaming, au Québec, et de Tartas, en France. C'est le quart de sa production totale de pâtes, qui est de 1,1 million de tonnes, mais ça représente près de 40% de ses revenus, à cause des prix élevés.

Un marché ressuscité

Les prix du coton, un produit de base qui s'achète et se vend sur les marchés boursiers, ont plus que doublé en 2010, en raison de la conjugaison de mauvaises récoltes et d'une augmentation de la demande.

Le 21 décembre dernier, le prix du coton a même atteint un sommet depuis la création de ce marché à New York, en 1870.

Après avoir espéré que cette flambée serait temporaire, les fabricants de vêtements du monde entier se sont mis à utiliser d'autres fibres moins coûteuses, dont la rayonne. Inventée dans les années 30, la rayonne a connu ses heures de gloire dans les années 80 avant de passer de mode.

«Le marché (de la pâte à usage textile) a baissé pendant 20 ans», rappelle le vice-président de Tembec. L'entreprise, qui a déjà produit 4 millions de tonnes par année de pâte dissolvante, a réduit graduellement sa production à un peu plus d'un million de tonnes annuellement.

Le marché de la rayonne a commencé à se redresser un peu bien avant que les prix du coton flambent, avec l'utilisation grandissante de cette fibre dans les vêtements de sport et autres tissus dits respirants.

Le mouvement s'est accéléré au cours de la dernière année, et Tembec a pu obtenir 200$ de plus la tonne pour sa pâte dissolvante, ce qui signifie des revenus supplémentaires de 60 millions.

Indirectement, la hausse du prix du coton a donc contribué au profit de 55 millions affiché par Tembec en 2010, alors que l'année 2009 s'était soldée par une perte de 214 millions.

L'action de Tembec a aussi repris du poil de la bête. Le titre est passé dans l'année d'un creux de 1,03$ à un sommet de 4,78$. Hier, l'action de Tembec a fini la journée à 4,65$, en hausse de 21 cents.