La presse britannique faisait mercredi ses gros titres du rachat du confiseur Cadbury par l'américain Kraft, soulignant la nostalgie qui accompagne la perte d'indépendance de ce groupe emblématique vieux de 186 ans, et la déception de certains actionnaires.

L'un des plus importants, Legal & General, qui possède 5,1% de Cadbury, a regretté que la direction ait accepté cette offre en numéraire et actions représentant quelque 11,9 milliards de livres  mercredi, notent plusieurs quotidiens.

Son responsable des marchés d'actions Mark Burgess a considéré que l'offre «ne reflétait pas la valeur de long terme de l'entreprise» et il s'est dit déçu que la direction l'ait recommandée. Il n'est pas allé cependant jusqu'à annoncer qu'il voterait contre.

De même, Robin Geffen, le directeur du fonds Neptune, qui possède 0,3% de Cadbury, a-t-il dit que cette offre était «en fin de compte mauvaise pour tout le monde», déplorant que «trop de grands actionnaires soient focalisés sur la performance de très court terme».

Dans une lettre au Daily Telegraph, Sir Adrian Cadbury et Sir Dominic Cadbury, tous deux anciens présidents du groupe fondé par leurs ancêtres en 1824, ont espéré que Kraft «serait à la hauteur de ses responsabilités dans cette affaire».

Tandis que, dans le Financial Times, Felicity Loudon, autre descendante, estime que ses ancêtres «se retourneraient dans leurs tombes» s'ils savaient que l'entreprise a été achetée par un groupe américain «qui fabrique du fromage pour les hamburgers».

Ces commentaires en demi-teinte dans la presse britannique ont été complétés mercredi après-midi par des déclarations de Warren Buffett, l'un des hommes les plus riches du monde, dont la holding Berkshire Hathaway est première actionnaire de Kraft.

M. Buffett, qui avait déjà jugé, avant l'accord, que Kraft risquait de surpayer sa proie, a déclaré sur CNBC «avoir beaucoup de doutes» sur l'accord trouvé, ajoutant que «s'il avait l'occasion de voter sur cet accord il voterait "non"». M. Buffett compte néanmoins rester actionnaire de Kraft.

Malgré l'ensemble de ces couacs, la presse ne doutait guère cependant que le pari de la PDG de Kraft Irene Rosenfeld allait réussir. Notamment, observait le Financial Times, parce que 45% des actionnaires sont basés aux États-Unis.

Le Times rapportait que les discussions finales se sont tenues dans un grand hôtel près de Hyde Park, le Lanesborough. Après que son offre en numéraire et actions à 771 pence eut été qualifiée de «dérisoire» par la direction, Mme Rosenfeld l'a rehaussée lundi par trois fois, à 830 pence, puis 840, puis 840 et un dividende de 10 pence, emportant ainsi l'accord de Cadbury.

La presse estimait qu'une contre-offre de l'américain Hershey, qui a jusqu'au 25 janvier pour se prononcer, était peu probable, bien qu'il ait visiblement lancé ses conseillers financiers sur l'affaire.

Le Daily Telegraph notait que Kraft a obtenu de Cadbury une indemnité de rupture des discussions si la britannique se tourne vers un autre prétendant. Cette indemnité équivaudrait pour Hershey à mettre plus de 858,5 pence par action sur la table pour l'emporter, soit plus de 12 milliards de livres, ce qui paraît difficile.

Le Guardian, enfin, notait les deux millions de livres quotidiens dépensés en avocats, banquiers et communicants depuis le début de la bataille, concluant: «Voilà le dernier indice que c'est de nouveau "business as usual" dans la City, à peine 15 mois après que la chute de (la banque américaine, ndlr) Lehman Brothers ait amené le système au bord du précipice».