Ça pourrait être pire. Les mises à pied qui se sont multipliées dans l'industrie aéronautique québécoise au cours des derniers mois auraient pu être plus nombreuses encore.

Au lieu de sabrer les effectifs, des entreprises ont proposé à leurs employés de raccourcir leur semaine de travail. C'est le cas de Minicut International, une PME montréalaise spécialisée dans la fabrication d'outils de coupe pour l'industrie aéronautique, durement frappée par la crise.

 

Les ventes ont chuté de 30%. L'entreprise a dû faire face à une perspective déchirante: mettre à pied de 15 à 20 salariés qualifiés.

«Il faut des années pour former des employés, soupire le président de Minicut International, Eduardo Minicozzi. Quand il y a un ralentissement, on les perd sans la moindre garantie de pouvoir les ravoir.»

Un «bon programme»

Minicut a toutefois trouvé une façon de garder ses précieux employés: le travail à temps partagé. L'entreprise a notamment tiré avantage d'un programme fédéral qui verse aux employés touchés des prestations d'assurance emploi pour les journées chômées.

«C'est un bon programme, déclare M. Minicozzi. Comme entreprise, nous apprécions le fait que les gens maintiennent leur emploi. Pour eux, c'est la différence entre perdre un peu (de salaire) et perdre leur emploi.» Il loue la souplesse du programme. Il est notamment possible de faire travailler les employés à temps plein pendant une certaine période.

Dans le secteur de l'aéronautique, Minicut n'est pas la seule entreprise à avoir fait le pari du travail partagé. C'est aussi le cas de trois usines de Héroux-Devtek, constructeur de trains d'atterrissage et d'autres composants aéronautiques. «Ce n'est pas quelque chose qu'on peut imposer, mais ça marche très bien», commente le président et chef de la direction d'Héroux-Devtek, Gilles Labbé.

Les règles du programme fédéral de travail à temps partagé exigent d'ailleurs l'accord du syndicat. Une entreprise où il y a un conflit de travail ne peut en bénéficier.

L'entreprise doit également démontrer que ses ventes ou ses commandes ont diminué d'au moins 10% mais que, chose importante, ce manque de travail est temporaire. Il faut notamment qu'elle présente un plan de redressement et montre comment elle pourra se maintenir pendant la période difficile et comment elle reviendra à des heures normales de travail au fur et à mesure que l'économie se renforcera.

Héroux-Devtek tente notamment d'obtenir de nouveaux mandats de ses clients et de trouver de nouveaux clients.

«Il s'agit de gagner des parts de marché aux dépens de nos concurrents, indique M. Labbé. Si nous obtenons ces contrats, nous pourrons ramener nos gens au travail d'ici à la fin de l'année, les remettre à cinq jours au lieu de quatre.»

Héroux-Devtek n'a pas eu besoin de mettre en oeuvre un programme de travail partagé à son usine de Longueuil justement parce qu'elle a mis la main sur un contrat de réparation de trains d'atterrissage d'un appareil militaire.

«Ça nous a permis d'apporter du volume à Longueuil», note M. Labbé.

Le programme de travail partagé est actuellement très populaire, surtout dans le secteur manufacturier.

À l'heure actuelle, près de 5000 accords de travail partagé sont en vigueur au Canada, dont 900 au Québec. C'est 18% de l'ensemble des accords. Dans l'ensemble du pays, 150 000 personnes bénéficient du programme, dont 33 000 au Québec, soit 22%. L'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique sont les provinces qui l'utilisent le plus.

Le programme a été créé en 1977, mais le gouvernement fédéral a décidé de l'améliorer pour tenir compte du climat économique actuel. À l'époque, les accords de temps partagé portaient sur un maximum de 14 semaines. Ottawa a porté ce maximum à 52 semaines «pour donner aux entreprises plus de temps pour se remettre sur pied», indique Julie Hahn, du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences.

Le Ministère est toutefois incapable de dire combien coûte le programme.

«Les prestations de travail partagé sont versées aux deux semaines par l'assurance emploi, à chacun des travailleurs participants, explique Mme Hahn. L'évaluation des prestations versées n'est pas faite sur une base continue.»