Météo moche et économie en panne ne sont certainement pas des ingrédients d'une bonne recette de bière. Mais la récession est light.

De janvier jusqu'à mai, les ventes nationales de bière ont reculé d'environ 2 %, selon l'Association des brasseurs du Canada. Au Québec, la baisse s'est limitée à 1 %.

«L'effet de la récession n'est pas trop dramatique», dit le vice-président marketing de Labatt Canada, Richard Musson.

Pour la première moitié de l'année, Labatt, qui détient 42% du marché au pays, a enregistré à peu près les mêmes ventes que l'an dernier. La brasserie, propriété du numéro un mondial Anheuser-Busch InBev, est habituée à une progression de 2 %.

La météo n'aide pas, même s'il ne faisait pas très beau non plus l'été dernier, rappelle M. Musson. «Le mois de juillet a été une catastrophe», dit-il. Il estime le recul des ventes à environ 5%. Au moins, la Alexander Keith blanche et la Bud Light Lime (en constante pénurie) sont deux beaux succès pour Labatt.

Pendant ce temps, les microbrasseries (près de 5% du marché au Québec) se tirent bien d'affaire. La Barberie, à Québec, enregistre une croissance de 30%, malgré un recul en juillet.

Du côté des Brasseurs du Nord, producteurs de la Boréale, les ventes ont fait fi de la météo et on progressé de 10% depuis mai. «C'est peut-être aussi parce que nos bières ne sont pas des bières de soif et que la météo nous affecte moins», dit la présidente Laura Urtnowski.

Chez McAuslan, à Montréal, le président Peter McAuslan parle d'une croissance de 7 à 8% pour l'année. «Pour l'instant, je pense que l'industrie de la bière est à l'épreuve de la récession», dit-il.

MolsonCoors, qui dévoile ses résultats du deuxième trimestre aujourd'hui, a refusé de parler de l'allure des ventes avec La Presse Affaires.

L'innovation, planche de salut

Si l'industrie de la bière s'en tire mieux que d'autres secteurs, ça ne veut pas dire que tout est facile. SABMiller a évoqué des temps «très durs» pour le commerce la bière en Europe, avec une croissance possiblement nulle pour 2009.

Un autre brasseur a déploré une détérioration de la demande des consommateurs sur le marché, évoquant un déclin de 6% des ventes, selon le dernier bulletin de la firme Ernst & Young sur l'industrie brassicole, publié le 29 juillet.

Aux États-Unis, la plupart des grandes marques ont perdu du terrain. Les Américains se tournent vers les bières à bas prix.

Pour faire face à la musique, des brasseurs essaient de nouveaux trucs de mise en marché. Miller et Coors, qui travaillent en partenariat sur le marché américain, ont lancé un baril de bière pression pour la maison («Home Draft»). Contrairement à d'autres barils sur le marché, ce contenant de 5,7 litres peut être conservé au réfrigérateur pendant 30 jours.

La Miller Lite et la Coors Light sont offertes dans ce contenant destiné à séduire le tiers des buveurs américains qui préfère la bière pression - et à contrer la chute des ventes de Miller Lite.

«Dans cette économie, nous voyons une augmentation des innovations de l'emballage des produits», note Kara Gruver, une analyste du secteur de la consommation à la firme Bain & Co., citée dans le Wall Street Journal.

Selon Richard Musson, de Labatt, le baril «Home Draft» s'agit d'un produit qui pourrait très bien fonctionner au Canada, et qui a de fortes chances d'y déménager. En Europe et en Amérique du Sud, le groupe brassicole dont fait partie Labatt offre aussi des systèmes de bière pression à domicile, même si, dans le cas européen, il faut se procurer une machine de 200$.

Molson Canada n'a pas voulu commenter cette nouvelle innovation de ses partenaires Coors et Miller, ne voulant donner aucun indice sur ses plans de mise en marché.

C'est d'ailleurs l'innovation qui a permis à la marque la plus forte de MolsonCoors, Coors Light, de continuer sa croissance au Canada et aux États-Unis, même en période de récession. Le secret ? L'étiquette devient bleue quand la bière est froide.

«Notre défi est d'ajouter une valeur supplémentaire pour convaincre les gens de rester dans les grandes marques et ne pas aller vers les bières à bas prix, dit Rob Morrell, directeur senior de la marque Coors Light chez Molson Canada. La certification du froid représente cette valeur, et cette innovation a prouvé son efficacité en empêchant que le prix soit le seul facteur qui guide le consommateur.»