Bombardier Aéronautique fait face à un défi particulier: comment protéger de la foudre son petit dernier, le Learjet 85, un avion d'affaires qui sera entièrement fabriqué de matériaux composites?

Les composites sont de moins bons conducteurs que le métal. Or, c'est justement la conductivité qui protège les avions contre la foudre.

 

L'avionneur se fait cependant rassurant: «Nous avons une solution éprouvée, un treillis métallique, affirme le responsable de la protection électromagnétique et de la certification des avions à Bombardier Aéronautique, Fidele Moupfouma. Cette solution, qui n'est pas propre à Bombardier, apparaît comme la meilleure aujourd'hui.»

Les composites sont des assemblages de matériaux différents, ce qui leur donne des propriétés très particulières. Ils comprennent souvent des polymères ou des fibres de carbone. Ce sont des matériaux très malléables qu'on peut former dans des moules, ce qui leur donne un bel aérodynamisme.

«Ils sont utilisés notamment en raison de leur légèreté, indique Suong Van Hoa, professeur au département de génie mécanique et industriel de l'Université Concordia et directeur du Centre de composites de l'institution. Ils sont plus légers que le métal. Ils offrent également plus de résistance à la fatigue et les coûts de fabrication sont moins élevés que ceux du métal.»

«Le défi, c'est de voir comment on peut augmenter la conductivité de ces matériaux.»

Lorsque la foudre frappe le métal, la charge se disperse rapidement sur toute la surface. Les dommages au point d'impact sont donc limités. Toutefois, les matériaux composites sont moins conducteurs; certains polymères ne le sont pas du tout.

«Si la charge s'accumule trop longtemps à un endroit, cela peut brûler le matériau, cela peut même le faire s'évaporer, affirme M. Hoa. Dans le monde de l'aéronautique, tout le monde s'intéresse à la question et cherche une solution.»

M. Moupfouma minimise le problème: «La légende publique veut que les composites ne soient pas conducteurs. Il y a plusieurs types de composites qui le sont, comme le graphite et le carbone.»

Le problème, c'est que cette conductivité n'est peut-être pas suffisante pour protéger l'avion et ses précieux équipements contre la foudre.

«C'est pour cela que nous allons adjoindre un treillis métallique que nous allons mettre en sandwich entre deux panneaux de composites, indique M. Moupfouma. Ça va assurer la conductivité pour que la foudre sorte de l'avion.»

Pas nouveau

Il rappelle que les matériaux composites ne datent pas d'hier. Il raconte que son ancien employeur, Dassault Aviation, a commencé à travailler sur un appareil militaire entièrement en composite, le Rafale, en 1985. Le travail sur les composites avait commencé 10 ans, 20 ans auparavant.

«Pour qu'on utilise un matériau dans un avion, ça prend des décennies», affirme-t-il.

Il fait aussi observer qu'avant de s'attaquer au 787, le Dreamliner, un appareil qui fait amplement appel aux composites, Boeing s'est fait la main sur le 777. De son côté, Bombardier a incorporé plusieurs éléments en composites dans ses biréacteurs régionaux CRJ700 et CRJ900.

Boeing n'a cependant pas rendue publique la solution qu'il a choisie pour améliorer la conductivité de la structure du 787.

«C'est un défi pour tout le monde, et les compagnies gardent leur secret», observe M. Hoa.

Les chercheurs étudient des solutions de rechange au treillis métallique, qui alourdit quelque peu les avions. M. Hoa mentionne notamment l'ajout de nanoparticules aux matériaux pour en augmenter la conductivité.

M. Moupfouma indique qu'il y a encore beaucoup de recherche à faire à ce sujet avant une application en aéronautique.

«Le problème avec les particules, c'est qu'elles ne fournissent pas une ligne directe que pourrait suivre le courant», déclare-t-il.

Pour qu'un appareil soit certifié, il doit passer à travers une batterie de tests sous l'oeil attentif des autorités, qu'il s'agisse de Transport Canada ou de la Federal Aviation Administration aux États-Unis. Cela comprend des tests de foudre.

M. Moupfouma se montre optimiste pour le Learjet 85 et pour la CSeries, dont les ailes seront faites de matériaux composites. Il admet toutefois que le processus prendra plus de temps que pour des matériaux plus traditionnels.

«Mais toutes la concurrence d'aujourd'hui va dans cette direction, affirme-t-il. Les composites, c'est l'avenir. Nous ne pouvons pas laisser le marché à nos concurrents.»